Arrêté des comptes 2024 en IFRS : les recommandations de l’AMF
Comme chaque année, l’AMF publie ses recommandations1 pour la clôture des comptes des émetteurs, en ligne avec celles de l’ESMA. L’attention sur les engagements climatiques des sociétés reste toujours d’actualité. Les sujets prioritaires se concentrent aussi sur les risques de liquidité, l’informations sur les méthodes et estimations comptables et le reporting ESEF.
Points d’attention sur des thématiques ciblées
Engagements climatiques
L’AMF rappelle la nécessaire implication de la gouvernance dans le processus d’identification des conséquences financières du risque climatique, l’importance de la communication des analyses et des effets de ce risque, notamment sur les tests de dépréciation. L’AMF encourage donc les sociétés significativement concernées à communiquer sur leurs obligations implicites et juridiques liées à leurs engagements climatiques, ainsi que sur l’analyse les ayant conduites à comptabiliser ou non une provision.
En ce qui concerne les contrats d’énergie renouvelable (PPA/VPPA), dans l’attente de l’adoption par l’UE de l’amendement à IFRS 7 et 9 permettant un assouplissement de la notion d’usage propre, l’AMF souligne que l’amendement ne peut être appliqué par anticipation ; aussi il ne devrait pas y avoir des changements de méthode sur les contrats en cours. Rappelons que les groupes titulaires de tels contrats doivent fournir des informations sur leur identification, leurs principales caractéristiques et leur traitement comptable lorsqu’ils sont significatifs.
Le dernier point mis en exergue par l’AMF est l’indispensable « connectivité » entre les états financiers et les autres éléments d’information extra-financière, en particulier avec le rapport de durabilité pour les entités soumises à cette obligation dès l’exercice 2024.
Risque de liquidité
Dans le contexte macroéconomique actuel, le risque de liquidité demeure prégnant.
Pour les sociétés qui pratiquent l’affacturage inversé, rappelons que des informations spécifiques doivent être fournies en annexes.
Pour les contrats significatifs, il convient de décrire dans les notes annexes leurs termes et conditions (impacts sur les délais de paiement, éventuelles sûretés ou garanties fournies, etc.), les jugements significatifs retenus dans l’analyse comptable (bilan et tableau de flux de trésorerie). A ce titre, l’AMF rappelle aux sociétés l’importance de communiquer les valeurs comptables des dettes concernées en indiquant :
- le montant des dettes pour lesquelles les fournisseurs ont déjà reçu le paiement du factor (ou de la banque),
- le ou les postes du bilan dans lesquels ces passifs sont présentés, et
- le type et l’incidence des évènements n’impliquant pas de remise de trésorerie, qui conduisent à ce que les valeurs comptables des dettes incluses dans ces accords à l’ouverture et à la clôture de la période ne sont pas comparables (écarts de change, regroupements d’entreprise, etc.)
De plus, des informations sont attendues sur les fourchettes de dates d’exigibilité des paiements de l’entité (aussi bien pour les dettes soumises à l’affacturage inversé que pour les dettes fournisseurs comparables qui n’y sont pas soumises). À ce titre, l’AMF recommande une granularité de l’information en présence de dates d’exigibilité hétérogènes, par exemple, par pays et/ou par secteur.
Lorsque les financements de l’émetteur ayant une maturité de plus de 12 mois sont assortis de covenants, ils doivent être reclassés en passifs courants dès lors que le non-respect d’une clause restrictive entraine l’exigibilité immédiate du prêt et que l’entité n’a pas le droit de différer le remboursement au-delà de douze mois à compter de la date de clôture (IAS 1. 728). Aussi, les waivers obtenus après la date de clôture ne sont pas pris en compte pour le classement de la dette.
Afin de permettre aux lecteurs des états financiers d’appréhender le risque que ce passif devienne immédiatement exigible, l’AMF recommande de détailler les causes du reclassement (période d’observation, clause restrictive non respectée, raisons du non-respect) et les éventuels risques entrainés par ce reclassement sur leur continuité d’exploitation et sur l’évolution de leur exposition au risque de liquidité. De plus, il est important, pour chaque emprunt significatif d’indiquer les clauses restrictives applicables, la ou les date(s) de vérification de la clause, la formule et la méthodologie de détermination du ratio à respecter ainsi que le résultat du calcul à la dernière date de vérification.
La continuité d’exploitation est également mise à l’ordre du jour par l’AMF.
La revue des états financiers d’émetteurs par l’AMF conduit aux constats suivants : d’une manière générale, l’information fournie est insuffisante pour comprendre les hypothèses et les jugements clés de l’entité pour analyser la continuité d’exploitation. Aussi, il conviendrait de les préciser et d’indiquer les évènements pouvant avoir un impact sur les projections de flux de trésorerie faites par la société (sources de financement disponibles, capacité à obtenir une aide de l’Etat, lancement prévu de nouveaux produits, etc…). L’AMF rappelle également que la société devra clairement communiquer les conséquences sur la continuité d’exploitation que pourrait avoir la non-réalisation des hypothèses et jugements clés pris en compte dans l’analyse.
Méthodes comptables, jugements et estimations significatives
L’AMF déplore que les principes et méthodes comptables décrits, notamment ceux relatifs aux tests de dépréciation reprennent trop souvent l’intégralité de la norme sans être adaptés aux spécificités de l’entité. Aussi, l’AMF rappelle la nécessité de s’assurer que la description des principes et méthodes comptables relatifs aux tests de dépréciation est pertinente, spécifique et suffisamment précise pour permettre aux utilisateurs des états financiers d’appréhender la manière dont la valeur recouvrable a été déterminée (IAS1.117 c et 122) tels que la manière d’identifier les UGT et la méthodologie retenue pour déterminer la valeur recouvrable.
Concernant les jugements et estimations retenus en matière de valorisation des instruments financiers à la juste valeur, l’AMF a relevé qu’il est très souvent difficile de comprendre la nature des données utilisées (observables ou non observables) pour déterminer les justes valeurs et donc de justifier les classements retenus au sein de la hiérarchie de juste valeur. Aussi, il convient d’exposer plus clairement les jugements et estimations retenus pour les différentes méthodes de valorisation utilisées pour les instruments financiers valorisés à la juste valeur de niveaux 2 et 3.
En ce qui concerne la méthode de consolidation appliquée, la détermination du contrôle exercé sur une entité peut, dans certains cas, se baser sur des hypothèses et jugements importants, notamment en présence de pacte d’actionnaires. Aussi, l’AMF recommande aux sociétés de présenter dans leurs états financiers, les hypothèses et jugements significatifs pris en compte dans la détermination du contrôle exercé sur une autre entité (IFRS 12 § 7 à 9), particulièrement lorsque le pourcentage de détention des droits de vote pourrait conduire les lecteurs à une conclusion différente.
En ce qui concerne la reconnaissance du chiffre d’affaires, pour l’application de la méthode à l’avancement des contrats à long terme, et dans la mesure où les montants en jeu sont matériels, les prévisions utilisées pour estimer le degré d’avancement et les marges à terminaison doivent être raisonnables et justifiables. Plus spécifiquement, pour des contrats à long terme de services, l’analyse et les jugements exercés ayant conclu (ou non) à l’absence d’un contrat de location doivent être exposés.
Pour l’application d’IFRS 15, en ce qui concerne la distinction des opérations en tant qu’agent ou principal, l’entité devrait donner l’analyse qui l’a conduite à telle ou telle qualification.
Enfin, conformément à IFRS 15.120, des informations sont attendues au titre des prestations restant à remplir, avec une granularité appropriée (en fonction de leur maturité) et une ventilation selon un découpage pertinent (pays, secteur, produits, etc.) ainsi qu’une analyse des principaux mouvements de la période (IAS1.31).
Reporting ESEF
Rappelons que pour les exercices 2024, les émetteurs ont le choix d’opter pour soit la taxonomie ESEF 2022, soit la taxonomie ESEF 2024.
Au travers des contrôles réalisés, l’AMF a identifié certains points de vigilance sur le balisage des états financiers primaires et des notes annexes dont notamment :
- la lisibilité des contenus,
- les modalités de dépôt des rapports financiers annuels (« RFA ») ou documents d’enregistrement universels (« DEU ») valant RFA, sachant que seule la version officielle ESEF du RFA est déposé auprès de l’AMF et que la publication de cette version officielle sur le site de l’émetteur est obligatoire dès son dépôt auprès de l’AMF,
Enfin l’AMF attire l’attention des sociétés sur les erreurs les plus fréquentes constatées dans les bilans balisés :
- l’utilisation d’une balise issue de la taxonomie de base inappropriée (pour les capitaux propres par exemple),
- l’utilisation d’une extension alors qu’il existe une balise dans la taxonomie de base, et d’un ancrage inapproprié de cette extension,
- l’absence de balisage et de cohérence entre le balisage des éléments du bilan et celui des notes annexes liées (absence de balisage des notes alors que la société a balisé le poste au sein du bilan avec une balise de la taxonomie de base par exemple),
- les erreurs de signe et d’échelle,
- les erreurs dans les bases de calcul.
Prospectives : anticiper IFRS 18 !
La norme IFRS 18 « Présentations et informations à fournir dans les états financiers » ne sera d’application obligatoire qu’à partir des exercices ouverts au 1er janvier 2027, mais il s’agit d’une norme structurante. Ainsi, la norme aura un impact sur la structuration de l’état du résultat net. Elle prévoit aussi des informations supplémentaires en annexe sur les Management Performance Measures, des nouvelles règles de désagrégation ou d’agrégation des postes de bilan, ainsi que des modifications sur le tableau des flux de trésorerie, notamment la suppression des options relatives à la classification des dividendes et intérêts perçus. C’est pourquoi, l’AMF invite les sociétés à anticiper les éventuels travaux de mise à jour des systèmes d’information et des processus internes de production des comptes et mener une réflexion sur les impacts de cette norme au regard de la communication de leur performance financière.
Pour conclure
Hormis la prise en compte du contexte macroéconomique attaché à chaque exercice comptable, les recommandations de l’AMF portent sur des sujets récurrents et se cristallisent essentiellement sur l’information à produire. Aussi, les émetteurs pourraient s’y référer utilement afin d’améliorer leur communication financière.
1 AMF, DOC-2024-05, octobre 2024.