Les diligences d’un CAC au sein d’une entreprise en procédures collectives
Au cours de son mandat, le commissaire aux comptes peut se retrouver dans la situation où la société auditée fait l’objet d’une procédure collective. Au-delà de la procédure d’alerte que le commissaire aux comptes a pu déclencher, cette situation engendre pour lui de nouvelles obligations. A partir d’une FAQ de la H2A1, voici des éléments de réponse aux interrogations liées à ce contexte particulier.
Contexte des situations
L’arsenal législatif français sur le traitement des difficultés des entreprises est gradué puisque qu’il comporte un volet « prévention » et un autre volet plus curatif où la pierre angulaire du dispositif est attachée à la notion de cessation de paiements. Aussi, dans le contexte abordé, les procédures amiables de conciliation ou de mandat ad hoc seront exclus du propos.
Sont ici visées les procédures collectives suivantes : la procédure de sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire.
- La procédure de sauvegarde. À la demande d’un débiteur qui n’est pas encore en cessation des paiements mais qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter, une procédure de sauvegarde peut être mise en place. À l’issue d’une période d’observation, un plan de sauvegarde est arrêté par jugement (art. L. 620-2. c. com.).
- Le redressement judiciaire. Une société en cessation des paiements peut demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (art. L. 631-1. c. com.). Cette dernière a pour objet de permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. À l’issue d’une période d’observation, le juge arrête le plan (continuation ou cession de l’entreprise en fonction de la situation). Ensuite, le plan est exécuté par l’administrateur judiciaire.
- La liquidation judiciaire. Phase ultime des procédures collectives, l’ouverture d’une telle procédure est prononcée lorsque le redressement est manifestement impossible. Cette procédure est destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens (art. L. 640-1. c. com.). La clôture de liquidation pour insuffisance d’actifs entraine la dissolution de la société.
Diligences liées à la situation de l’entreprise
Quid de la procédure d’alerte ?
Dans le cadre de sa mission et au regard de la situation, le commissaire aux comptes a pu lancer une procédure d’alerte lorsqu’il a relevé, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation (art. L 234-1 et L 234-2 c. com.). Cette procédure comporte différentes phases en fonction des réponses apportées par le dirigeant et selon la forme juridique de la société. En tout état de cause, si une procédure de sauvegarde, ou de redressement, ou de liquidation judiciaire a été ouverte, la procédure d’alerte en cours est interrompue. De même, le commissaire aux comptes ne pourrait plus la lancer pendant cette période.
Vigilance sur la continuité d’exploitation
La continuité d’exploitation étant une convention comptable de base pour l’établissement des comptes, le commissaire aux comptes sera particulièrement vigilant sur la pertinence de l’application de ce principe aux comptes2. Ainsi, il sera attentif à tout événement ou circonstance susceptible de remettre en cause cette continuité d’exploitation. C’est pourquoi, en présence d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le commissaire aux comptes peut estimer, au regard des évènements survenus, qu’il existe une incertitude significative sur la continuité d’exploitation susceptible d’engendrer une liquidation judiciaire. De ce fait, une présentation des comptes selon le principe de continuité d’exploitation ne serait pas appropriée.
Sort du mandat du commissaire aux comptes
Il est utile de rappeler que l’ouverture d’une procédure collective, quelle que soit sa nature, ne met pas fin au mandat du commissaire aux comptes. En conséquence de quoi, la mission du commissaire aux comptes prend seulement fin à la clôture de la liquidation prononcée pour insuffisance d’actif et non pas au jugement ordonnant la liquidation judiciaire (art. 1844-7 c civil).
Enfin, signalons que dans les motifs légitimes de démission du commissaire aux comptes (art. 28 du code de déontologie), ne figure pas le non-paiement de ses honoraires.
Obligations supplémentaires liées à l’existence d’une procédure collective
Levée du secret professionnel et communication d’informations
Le commissaire aux comptes, par sa connaissance de l’entité auditée, est en possession d’informations susceptibles d’intéresser le juge-commissaire. Dans la mesure où les demandes d’information de ce dernier sont suffisamment précises, le commissaire aux comptes ne peut invoquer le secret professionnel ; il doit donc répondre à ces demandes. De même, le commissaire aux comptes sera délié du secret professionnel vis-à-vis de l’administrateur judiciaire chargé de l’administration de l’entité ; il le sera également vis-à-vis du commissaire aux comptes de l’administrateur judiciaire (art. L. 811-11-3 c. com.).
Emission d’attestations par le commissaire aux comptes
- Inventaire du patrimoine du débiteur
Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, il doit être dressé un inventaire du patrimoine du débiteur et des garanties qui y sont attachés (gage, nantissement, etc.). Sauf si le juge en a décidé autrement, cet inventaire, certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable, est établi par le débiteur (art. L. 622-6-1 c. com.). Si le commissaire aux comptes intervient pour cette mission, il émettra une attestation ad hoc.
- Montant des créances détenues par les parties affectées
Dans la mesure où un plan de sauvegarde ou de redressement affecte les droits de certaines parties prenantes, ces dernières ont vocation à se prononcer sur ledit plan. Dans ce cadre, comme le vote de chaque classe de parties affectées est exprimé par leurs membres en fonction du nombre de voix correspondant à leurs créances ou à leurs droits, le commissaire aux comptes émet une attestation sur le montant de ces créances et droits des parties affectées.
Les parties affectées correspondent aux créanciers dont les droits sont directement affectés par le projet de plan, ainsi que les détenteurs du capital si le projet de plan les affecte.
A noter : les créances salariales ne sont pas concernées puisqu’elles ne sont pas affectées par le plan.
Pour conclure
Dans la vie des sociétés, des difficultés financières peuvent apparaître susceptibles d’engendrer l’ouverture d’une procédure collective. Si dans le volet « prévention », le commissaire aux comptes a un rôle à jouer, il participe aussi au processus de résolution, sans pour autant s’immiscer dans la gestion de l’entreprise.
(1) H2A, FAQ « Mission du commissaire aux comptes appelé à certifier les comptes d’une entité qui fait l’objet d’une procédure collective régie par le livre VI du code de commerce », mars 2025.
(2) NEP 570 « Continuité d’exploitation ».