Les 100 premiers jours post-acquisition : une phase déterminante pour le DAF et le fonds d’investissement
L’arrivée d’un fonds d’investissement dans une entreprise déclenche une phase de transition majeure, tant opérationnelle que culturelle. Pour le directeur financier, cette phase d’atterrissage est critique : il devient l’interface entre les exigences accrues des nouveaux actionnaires et une organisation encore ancrée dans ses anciennes habitudes. Dans les 100 premiers jours post-acquisition, la mission du DAF évolue vers encore plus de création de valeur. Dans cet article repris par DafMag, Gwenaël Métais, Associé, et Mélanie Blanchetière, directrice exécutive, partagent leur retour d’expérience sur les défis et les enjeux à surmonter lors de cette période critique.
1. Un changement de paradigme pour le DAF
Lorsqu’un fonds d’investissement entre au capital, il apporte plus qu’un financement : il travaille avec l’équipe en place dans une logique de retour sur investissement à horizon 5 à 7 ans. Cela modifie profondément la feuille de route de la direction financière et la stratégie du périmètre acquis.
1.1. Pourquoi ce changement ?
Le changement de paradigme s’explique par les attentes spécifiques des fonds d’investissement, qui diffèrent de celles d’un actionnariat familial ou industriel :
- Horizon de détention limité et piloté : un fonds entre au capital avec un objectif clair de sortie sous 5 à 7 ans, souvent avec un multiple cible à atteindre. Cela implique une exigence de performance rapide, mesurable et capitalisable.
- Focus sur la génération de cash et la valorisation de l’entreprise : la création de valeur ne repose pas uniquement sur la croissance du chiffre d’affaires ou du résultat net, mais sur la capacité à convertir l’activité en cash-flow libre, à optimiser la structure bilancielle et à préparer l’entreprise à une future revente ou IPO.
- Besoin de transparence et d’anticipation : les investisseurs recherchent une vision claire des performances passées, actuelles et projetées. Cela suppose un reporting fiable, rapide et analytique, fondé sur des indicateurs pertinents et comparables.
- Logique de pilotage orientée performance : le fonds introduit des revues régulières, des indicateurs clés de suivi (EBITDA, cash conversion, levier d’endettement, croissance organique, retour sur capital investi…), et une analyse systématique des écarts entre prévisionnel et réalisé de façon à piloter le plan stratégique de croissance ou de retournement
Ce changement de logique stratégique impose une réorganisation quasi immédiate de la fonction finance.
1.2. Le rôle élargi du DAF
Dans ce nouveau contexte, Le DAF doit piloter la performance à travers des indicateurs clés (KPIs) précis et partagés. Chef d’orchestre du pilotage de la performance, il doit être capable de dialoguer avec le fonds dans son langage. Il veille à la génération de cash, en lien avec le contrôle de gestion, les achats, la supply chain ou la facturation.
Architecte du reporting, il est responsable de la mise en place d’un outil de pilotage efficace, compréhensible et aligné avec les priorités du fonds afin de mesurer l’exécution du plan d’investissement.
Enfin, en tant qu’acteur clé de la création de valeur, il est impliqué dans l’identification des leviers (pricing, marges, rationalisation, CAPEX, carve-out éventuels, build-up…).
1.3. La transformation culturelle
Le repositionnement à opérer par le DAF n’est pas anodin. Il exige une montée en puissance rapide de la fonction finance, tant sur les compétences que sur les outils, mais aussi un changement culturel : il faut passer d’une logique de justification à une logique de pilotage, d’une approche rétrospective à une vision prospective ; on passe d’une culture de pilotage budgétaire classique à une culture de la performance, centrée sur la donnée, l’efficacité, la réactivité.
Cela implique un changement profond de logique stratégique et de gouvernance.
2. Les 100 premiers jours : bâtir la nouvelle gouvernance financière
Dans les trois mois qui suivent la prise de contrôle, le DAF va rapidement structurer les fondations du pilotage financier, poser les premiers rituels et rassurer les investisseurs sur sa capacité à délivrer. Parmi les chantiers prioritaires, on retrouve :
2.1. La structuration de la gouvernance financière et des rituels de pilotage
Une fois l’acquisition finalisée, l’un des premiers rôles du DAF est de poser les bases d’une nouvelle gouvernance financière. Il devient le trait d’union entre deux mondes : celui de l’entreprise opérationnelle, et celui du fonds d’investissement, dont les exigences de transparence, de discipline et de suivi sont très élevées.
L’interaction du DAF avec le fonds ne se limite pas à un simple échange d’informations financières. Elle devient un véritable processus de pilotage partagé, qui repose sur des livrables réguliers, des revues de performance fréquentes et une capacité à anticiper les écarts ou les tensions financières.
Les attentes typiques d’un fonds comprennent :
- Un reporting financier mensuel détaillé dans des formats standardisés : P&L, cash-flow statement, bridge EBITDA, bilan synthétique, indicateurs opérationnels,
- Une explication des écarts par rapport au budget ou au business plan, avec analyse des causes (volume, prix, mix, change, etc.),
- Un suivi spécifique des leviers de création de valeur : évolution du BFR, CAPEX, synergies, performance des build-up ou de l’intégration post-acquisition,
- La préparation des comités d’investissement ou du board, avec un narratif clair, synthétique et orienté décision.
Le DAF devient le point de contact privilégié pour toute information financière ou opérationnelle sensible.
2.2. Le reporting financier et opérationnel
Fiabiliser les données, accélérer les délais de clôture (fast close), construire des dashboards lisibles : le reporting devient l’outil central du dialogue avec les actionnaires. Il doit permettre un suivi mensuel des résultats, des cash-flows, du BFR et des KPI opérationnels.
Répondre aux nouvelles exigences de l’investisseur implique une architecture de pilotage rigoureuse :
- Des comités de performance mensuels ou bi-mensuels avec les opérationnels : analyse des résultats, des KPIs, suivi des plans d’action correctifs,
- Une structuration du processus budgétaire et des prévisions (rolling forecast) : exit les prévisions une fois par an, place à une logique d’actualisation continue,
- Un flash report hebdomadaire sur les indicateurs clés (ventes, cash, BFR, production, etc.), en particulier dans les trois à six mois suivant le closing,
- La clarté dans les rôles et responsabilités : qui produit les données, qui valide, qui explique les écarts. L’organisation de la fonction finance peut parfois nécessiter un réajustement (création d’un contrôle de gestion groupe, renforcement du cash management…).
Le business plan construit en phase d’acquisition devient la nouvelle feuille de route. Le DAF est le garant de sa déclinaison opérationnelle : mise en place des plans d’actions (pricing, efficacité commerciale, achats…), suivi des gains réalisés, suivi des synergies si build-up.
2.3. L’animation du changement culturel
Le DAF joue un rôle d’acculturation managériale : il doit faire comprendre aux équipes opérationnelles que l’entreprise est désormais dans une logique d’investissement à horizon déterminé, et que chaque action compte dans la création de valeur. Cela nécessite de la pédagogie, de la rigueur, mais aussi de la diplomatie.
3. Le rôle des conseils dans l’accompagnement post-deal
Au cœur de ces transformations multiples en contexte post-acquisition, le rythme s’accélère, les attentes se renforcent, les marges d’erreur se réduisent. Le DAF doit simultanément structurer une nouvelle gouvernance financière, faire monter en compétence ses équipes, dialoguer avec un actionnaire exigeant, et produire un reporting opérationnel fiable.
C’est précisément dans cette zone de tension que l’accompagnement par un conseil financier spécialisé devient un levier stratégique décisif.
4. Structurer, fiabiliser, sécuriser
Un cabinet spécialisé permet d’accélérer la montée en régime de la fonction finance :
- En traduisant les recommandations de la due diligence financière en chantiers opérationnels concrets et priorisés, en plan d’action opérationnel,
- En identifiant les quick wins : réduction du BFR, revue des contrats clients/fournisseurs, amélioration des marges par produit ou canal,
- En fiabilisant rapidement les données pour garantir la cohérence du reporting et la confiance des actionnaires,
- En assurant la mise sous contrôle du cash et du BFR, souvent sous-estimée en interne mais cruciale dans la phase post-deal.
L’expérience du conseil permet également de déjouer les pièges fréquents : mauvaise définition des KPIs, délais de clôture trop longs, données non harmonisées, ou objectifs mal alignés entre fonds et management.
5. Instaurer une culture de la performance… sans casser l’organisation
Le DAF ne peut pas imposer seul une culture cash ou un pilotage mensuel à une organisation qui n’y est pas préparée. Le conseil, en position d’acteur externe neutre, joue ici un rôle de facilitateur du changement, capable de :
- Apporter des méthodes éprouvées de suivi de la performance,
- Mettre en place des outils simples, évolutifs et adaptés au niveau de maturité de l’entreprise,
- Créer un langage commun entre le fonds, le top management et les équipes opérationnelles,
- Accompagner le DAF en tant que tiers de confiance dans ses arbitrages, en apportant benchmark, recul stratégique et aide à la priorisation.
En conclusion, les 100 premiers jours du DAF post-acquisition sont un moment charnière. Il s’agit de poser les bases d’une gouvernance rigoureuse, d’ancrer une culture cash et d’aligner toute l’organisation sur les objectifs de création de valeur définis avec les actionnaires. Dans ce contexte, la direction financière devient un véritable centre de pilotage stratégique en partenariat avec le fonds.
Nos équipes en conseil financier et conseil et support opérationnels sont déjà impliquées auprès de nombreux clients dans cette phase critique. Pour en savoir plus, contactez Gwenaël Métais ou Mélanie Blanchetière.

