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Conseil et supports opérationnels, Lettre d'Actualités Techniques

Arrêté des comptes 2025 : les recommandations de l’AMF

Comme chaque année, l’AMF publie ses points d’attention et recommandations liés à la préparation des états financiers des émetteurs pour la clôture 2025, en ligne avec celles de l’ESMA. Les sujets jugés prioritaires pour l’arrêté des comptes sont ici développés. Dans le cadre de ses points d’attention spécifiques, l’AMF a également rappelé l’importance d’anticiper les travaux de transition à la nouvelle norme IFRS 18 « Présentation et informations à fournir dans les états financiers ».

Principales recommandations en vue de l’arrêté des comptes 2025

Risques géopolitiques et incertitudes

Jugements clés, estimations et gouvernance

Dans un contexte économique, géopolitique, national et international complexe, les émetteurs sont confrontés à un grand nombre d’incertitudes dans le cadre de la clôture de leurs comptes 2025.

Selon l’AMF, il est important que les émetteurs communiquent de façon transparente avec des informations détaillées sur les principaux jugements et hypothèses retenus. Cela doit permettre au lecteur des états financiers de comprendre les sources d’incertitudes, leurs estimations et leur impact sur la performance économique des sociétés.

Les hypothèses doivent reposer sur des informations spécifiques à l’entité selon son secteur et la localisation de ses activités et résulter d’une démarche impliquant les organes de gouvernance.

L’AMF rappelle que les recommandations relatives à la clôture 2024 sur la liquidité et la continuité d’exploitation demeurent d’actualité.

Tests de dépréciation

Le sujet des tests de dépréciation a déjà été largement abordé à l’occasion des précédentes recommandations de l’AMF et demeure un sujet d’actualité.

Les incertitudes et risques géopolitiques (droits de douane, volatilité des taux de change, augmentation des coûts de transport…) peuvent constituer des indices de perte de valeur.

Il serait alors nécessaire de réaliser un test de dépréciation en plus du test de dépréciation annuel.

Dans leurs états financiers, l’AMF recommande aux émetteurs d’indiquer les indices de perte de valeur identifiés qu’ils soient internes ou externes et de préciser les jugements et hypothèses retenus pour conclure à l’existence d’indices de perte de valeur.

L’AMF attire l’attention sur le fait que la communication sur les indices de perte de valeur ne se limite pas aux UGT avec goodwill et doit également être réalisée sur les indices de perte de valeur existants sur les actifs corporels pouvant être impactés par les décisions stratégiques ou économiques.

Concernant la détermination de la valeur recouvrable dans le cadre des tests de dépréciation, l’AMF recommande d’être le plus transparent possible dans la présentation des hypothèses clés financières et opérationnelles retenues, d’expliquer les évolutions matérielles des hypothèses clés qui auraient eu lieu au cours de l’exercice et en particulier l’évolution des hypothèses opérationnelles clés au regard de l’environnement économique et géopolitique (ex : évolution du taux de croissance, durée des flux, taux et périmètre des droits de douane, etc.) et enfin d’expliquer sur quelle base ont été élaborées les nouvelles hypothèses retenues : sources internes (ex: budgets, etc.) ou sources externes (ex: prévisions des économistes, analystes, études sectorielles, etc.).

Il conviendra également selon l’AMF d’indiquer tout changement de mode de détermination de la valeur recouvrable intervenu depuis la dernière clôture.

Concernant les analyses de sensibilité, l’AMF invite les émetteurs à se référer aux précédentes recommandations de l’AMF toujours d’actualité. Les incertitudes économiques actuelles renforcent l’importance des analyses de sensibilité à des variations raisonnablement possibles des hypothèses opérationnelles et financières clés.

L’AMF recommande d’apprécier l’opportunité d’élargir les fourchettes retenues dans les analyses de sensibilité, d’ajouter, le cas échéant, des analyses de sensibilité complémentaires liées aux nouvelles hypothèses opérationnelles (ex. coûts additionnels dans la chaîne d’approvisionnement, nouvelles taxes, etc.), et de faire varier plusieurs hypothèses clés de manière combinée (ex : baisse de marge liée à une hausse des coûts + prime de risque plus élevée).

Pour les UGT ou groupes d’UGT les plus sensibles, l’AMF recommande d’indiquer les variations raisonnables d’hypothèses clés qui conduiraient à des dépréciations complémentaires en précisant le montant des pertes de valeur complémentaires qui auraient été reconnues, et d’indiquer si certaines UGT ont vu leurs marges de sécurité (« headroom ») diminuer depuis le dernier exercice (en précisant les UGT ou groupes d’UGT concernés).

Révision des durées d’utilité et/ou valeurs résiduelles des autres actifs corporels et incorporels à durée d’utilité déterminée

Pour rappel, les normes IAS 16 et IAS 38 requièrent de revoir les durées d’utilité et les valeurs résiduelles à chaque clôture et également en cas de ralentissement ou d’arrêt d’une activité. Le contexte actuel pourrait avoir un impact sur les durées d’utilité et/ou les valeurs résiduelles.

L’AMF recommande aux émetteurs d’apprécier s’il convient de réviser les durées d’utilité / valeurs résiduelles des actifs corporels et incorporels. Le contexte actuel pourrait également amener à considérer que des durées jugées indéterminées ne le sont plus.

En cas de révision des durées d’utilité / valeurs résiduelles, l’AMF recommande de présenter : la nature de la modification (raccourcissement de la durée d’utilité, baisse des valeurs résiduelles), l’analyse ayant conduit à ce changement, la date du changement et les impacts dans les comptes.

Impôts différés actifs

L’évaluation de la recouvrabilité des impôts différés actifs, qui nécessite l’exercice de jugements, est également un sujet de vigilance dans le contexte de l’arrêté des comptes 2025.

L’AMF recommande aux émetteurs significativement concernés par ce sujet de développer en annexe les informations sur les hypothèses clés retenues (ex: périmètres fiscaux concernés, durée d’utilisation des IDA, horizon temporel retenu pour l’estimation des bénéfices futurs, IDA non reconnus et incertitudes relatives à l’utilisation future), d’expliquer les évolutions des hypothèses depuis la dernière clôture et de communiquer une analyse de sensibilité des IDA aux variations raisonnablement possibles des hypothèses clés.

L’AMF recommande également de se référer au communiqué de l’ESMA du 15 juillet 2019 sur les jugements relatifs à l’activation des IDA et en particulier en ce qui concerne la nature des éléments probants à considérer pour apprécier le caractère probable des bénéfices imposables futurs.

Reconnaissance des produits des activités ordinaires provenant de contrats conclus avec des clients

Dans le contexte actuel, les coûts de réalisation de certains contrats pourraient augmenter en raison, par exemple, de droits de douane supplémentaires, ce qui pourrait impacter les prévisions de marge à terminaison de certains contrats et entrainer, dans certains cas, l’obligation de constater des provisions pour contrat déficitaire.

L’AMF recommande aux émetteurs de s’assurer que les prévisions retenues pour évaluer les marges à l’achèvement soient justifiées et raisonnables, et comptabiliser les modifications de l’évaluation du degré d’avancement comme des changements d’estimation. Il convient également d’apprécier le caractère onéreux des contrats au niveau du contrat dans son ensemble et pas seulement au niveau de chaque obligation de performance.

Plusieurs contrats pourraient, dans le contexte actuel, faire l’objet de révisions de prix et/ou de volumes. L’AMF recommande d’être vigilant dans l’analyse comptable de la distinction entre modification de contrat et réestimation de contreparties variables. L’AMF invite les émetteurs à communiquer de manière transparente sur les impacts sur le chiffre d’affaires reconnu sur la période. Enfin, l’AMF rappelle que les traitements comptables correspondants peuvent avoir des impacts comptables très différents (prospectifs ou non).

Provisions pour restructuration

Le contexte actuel pourrait conduire les émetteurs à comptabiliser des provisions pour restructurations dans certaines situations (vente ou arrêt d’une ligne d’activité, fermeture d’installations, …). Aussi, l’AMF rappelle l’importance de s’assurer, préalablement à la comptabilisation d’une provision, du respect des critères prévus par la norme IAS 37 (IAS 37.14 et 70 à 83). Elle précise que les indemnités de licenciement associées à un plan de restructuration entrent dans le champ de la norme IAS 19 et non d’IAS 37.

Stocks

L’AMF recommande, le cas échéant, d’indiquer si les modalités d’estimation des dépréciations appliquées ont changé, d’indiquer si des dépréciations complémentaires ont été reconnues (IAS 2.36 e) et d’expliquer les raisons des évolutions.

Risque de crédit

Pour rappel, conformément à la norme IFRS 7.31 et 33c, les évolutions significatives du risque de crédit ou toute modification intervenue dans la politique de gestion des risques doivent être présentées et expliquées dans les états financiers.

Évènements postérieurs à la clôture

Dans un contexte géopolitique complexe et un environnement économique mouvant et incertain, si un émetteur reçoit, après la date de clôture, des informations sur des situations qui existaient à la date de clôture (IAS 10.9), les émetteurs concernés devraient ajuster les états financiers et indiquer ces nouveaux éléments.

Pour les événements ne nécessitant pas d’ajustement des états financiers, l’AMF recommande de communiquer des informations (nature de l’événement) pour les événements les plus significatifs, intervenus après la date de clôture ainsi qu’une estimation de leurs effets financiers (ou d’indiquer que cette estimation ne peut pas être établie).

Information sectorielle

Principes généraux

L’information sectorielle constitue un point d’attention récurrent de la part des régulateurs européens. L’AMF observe que certains principes clés de la norme IFRS 8 ne sont pas toujours correctement appliqués.  Aussi, l’AMF rappelle que l’information sectorielle doit en premier lieu être établie à partir du reporting interne sur lequel le Principal Décideur Opérationnel au sens d’IFRS 8 (PDO) fonde ses décisions de gestion.

L’AMF souligne que les paragraphes 31 à 34 d’IFRS 8 demandent, y compris pour les sociétés mono-sectorielles, de fournir des informations relatives aux produits et services, aux zones géographiques et aux principaux clients.

Information sur les produits et charges des secteurs opérationnels

Pour rappel, dans sa décision de juillet 2024, l’IFRS IC a confirmé que les informations listées au paragraphe 23 de la norme IFRS 8 devaient être présentées dans l’information sectorielle dès lors que celles-ci sont incluses dans une mesure de résultat sectoriel revue par le PDO ou communiquées régulièrement à ce dernier.

Sur la base d’une étude auprès des émetteurs du CAC40, l’AMF relève que le niveau d’information communiqué est assez hétérogène et que, lorsque l’information n’est pas communiquée, il n’est pas possible d’en comprendre la raison.

L’AMF recommande aux sociétés de s’interroger sur les informations qui entrent dans le champ du paragraphe 23 d’IFRS 8 et qui doivent être décomposées par secteur, notamment au regard du contexte actuel.

Dans les cas d’absence de présentation ou de ventilation d’éléments significatifs qui pourraient être attendus par un lecteur des états financiers, l’AMF invite les sociétés à justifier en quoi cette absence de présentation ne contrevient pas à IFRS 8.23.

Information sur les zones géographiques

L’AMF constate, là encore, que le niveau d’information communiqué est assez hétérogène. En lien avec ce constat et compte tenu de l’environnement géopolitique et macroéconomique actuel, l’AMF recommande aux émetteurs de veiller à une présentation claire et complète de l’information au titre des zones géographiques (chiffre d’affaires et actifs non courants) en combinant des critères qualitatifs et quantitatifs pour déterminer les pays qui sont individuellement significatifs, en veillant à bien préciser la base de répartition du chiffre d’affaires par clients entre les différents pays. Il s’agit de trouver le bon niveau de granularité adapté au modèle d’affaires de l’émetteur pour garantir la pertinence et la transparence de l’information IFRS 8.

Information sur le degré de dépendance à l’égard des principaux clients

L’AMF constate que l’information sur le degré de dépendance à l’égard des principaux clients est souvent peu détaillée et rappelle que cette information est essentielle : elle permet d’apprécier les risques présents et futurs d’une trop grande dépendance à un nombre limité de clients.

L’AMF préconise la délivrance d’une information pour tous les clients individuellement significatifs en précisant à quel secteur ces principaux clients sont rattachés.

Principes clés de la norme et critères de regroupement

Dans le cadre de ses différentes revues, l’AMF a remarqué que les informations fournies dans les comptes ne permettaient pas toujours de déterminer si des regroupements de secteurs opérationnels avaient été effectués par les émetteurs.

L’AMF recommande aux émetteurs procédant à des regroupements de secteurs de s’assurer à chaque clôture du respect des critères de regroupement prévus par la norme IFRS 8 au moyen d’une revue annuelle, notamment dans le contexte macroéconomique actuel, qui peut induire des évolutions en termes de rentabilité à moyen et long terme pouvant remettre en question certains regroupements jusqu’alors réalisés. Aussi, une analyse des conséquences d’une réorganisation sur la validité des critères de regroupements est recommandée.

Si les critères de regroupement ne sont plus respectés, l’AMF précise qu’il est utile d’accompagner l’information comparative retraitée d’une explication sur l’évolution observée.

Point d’attention IFRS 18 !

IFRS 18 – « Présentation et informations à fournir dans les états financiers »

L’AMF a souhaité rappeler le caractère structurant de la norme IFRS 18 « Présentation et informations à fournir dans les états financiers » qui nécessite d’anticiper les travaux de transition tout en communiquant au marché au fil de l’avancement de ces travaux, selon l’ampleur des impacts attendus.

D’application obligatoire aux exercices ouverts au 1er janvier 2027, cette norme pourrait modifier profondément la présentation et la structure des états financiers ainsi que la communication financière des émetteurs à travers les évolutions majeures introduites :

– la notion de « résumé structuré utile » à appliquer aux états financiers, avec des nouveaux principes d’agrégation et de désagrégation de l’information financière et un encadrement des libellés afin de les rendre le plus précis et clair possible ;

– une refonte du compte de résultat, avec l’instauration de trois nouvelles catégories (Exploitation, Investissement et Financement) et l’obligation pour les entreprises de présenter des sous-totaux normalisés, dont le résultat d’exploitation et le résultat avant financement et impôts ;

– des exigences nouvelles relatives aux indicateurs de performance financière de résultat utilisés par la direction (management-defined performance measures ou « MPM ») en matière de présentation, de justification et de rapprochement avec les totaux et sous-totaux IFRS. Des discussions étant par ailleurs toujours en cours au niveau international (saisines IFRIC IC sur un certain nombre de points d’application pratique) et français, les groupes devront être attentifs au suivi de ces sujets.

Pour conclure

Outre ces recommandations, les préparateurs des comptes pourront aussi prendre connaissance avec bénéfice du second volet du document consacré aux constats issus de la revue d’états financiers 2024 car des bonnes pratiques y sont exposées ainsi que les axes d’amélioration identifiés.