Enjeux de l’arrêté semestriel 2025 en IFRS
L’arrêté semestriel du 30 juin 2025 s’inscrit dans un contexte économique et géopolitique difficile, notamment à cause de la persistance des conflits armés et la guerre commerciale engendrée par la hausse potentielle des tarifs douaniers américains. Il est également marqué par l’entrée en vigueur de la contribution exceptionnelle sur l’IS et de la taxe sur les réductions de capital par rachat d’actions et l’entrée en vigueur au 1er janvier 2025 de l’amendement à IAS 21. En termes d’actualités normatives, citons également l’adoption attendue par l’UE des modifications à IFRS 7 et IFRS 9 « Contracts Referencing Nature-dependent Electricity ».
Points d’attention pour la préparation des comptes semestriels en lien avec le contexte de mi-année
Compte tenu des éléments de contexte précités et parmi les nombreux points de vigilance à observer pour l’arrêté intermédiaire, certains sujets nécessitent une attention particulière pour la préparation des comptes semestriels 2025.
Dans ce cadre, il convient de souligner l’importance de la transparence des émetteurs sur les hypothèses et jugements retenus dans les comptes semestriels 2025. Cela vaut notamment pour la détermination des justes valeurs, la réalisation des tests de dépréciation et le principe de continuité d’exploitation.
Concernant le sujet des dépréciations, l’identification d’éventuels indices de dépréciation constitue un point clé en lien avec l’impact d’une hausse potentielle des tarifs douaniers et l’instabilité économique globale observée.
Il est, à ce titre, utile de rappeler une récente décision publiée par l’ESMA en 2024 (EECS/0125-03) portant sur le caractère jugé insuffisant par le régulateur national des informations publiées par un émetteur dans les comptes intermédiaires.
Dans le cadre de la réalisation de tests de dépréciation, la présentation des hypothèses retenues et des éventuelles évolutions par rapport aux tests précédents revêt un caractère particulièrement important dans le contexte actuel. Il en est de même pour les analyses de sensibilité.
Par ailleurs, en matière de risque de liquidité, pour les financements assortis de covenants, si l’entité est susceptible de rencontrer des difficultés à respecter ces derniers (par exemple le fait que l’entité n’aurait pas respecté les engagements s’ils devaient être évalués sur la base de la situation de l’entité à la date de clôture), il est important de préciser en annexe les faits et circonstances en lien avec une telle situation.
Impact de la contribution exceptionnelle sur l’IS dans les comptes intermédiaires
L’une des principales nouveautés pour 2025 concerne l’entrée en vigueur de la contribution exceptionnelle à l’IS effective pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 20251. Cette contribution s’applique aux sociétés ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros au titre de l’exercice au cours duquel la contribution est due ou bien de l’exercice précédent. La contribution est assise sur la moyenne de l’IS dû au titre de l’exercice au cours duquel elle est due et de l’exercice précédent. Ainsi, pour les entreprises ayant une clôture calée sur l’année civile, la contribution est assise sur la moyenne de l’IS dû au titre des exercices 2025 et 2024.
En application des dispositions spécifiques de la norme IAS 34, l’impôt au titre de la période intermédiaire est calculé en appliquant au résultat avant impôt de la période intermédiaire le taux d’impôt effectif moyen pondéré attendu pour l’exercice.
En normes IFRS, la contribution exceptionnelle sur l’IS répond à la définition d’un impôt sur le résultat au sens de la norme IAS 12. La charge d’impôt doit ainsi être rattachée au résultat auquel elle se rapporte.
Par conséquent, seule la part assise sur l’IS 2025 doit être intégrée dans le taux effectif d’impôt. La part assise sur l’impôt 2024, qui résulte d’une loi votée sur la période 2025 et porte sur des résultats déjà réalisés, doit donc être comptabilisée immédiatement en résultat à compter de la date de promulgation de la loi de finances et apparaitre en réconciliation dans l’état de la preuve d’impôt.
Pour les entreprises ayant un exercice décalé, la logique demeure identique. Il s’agit de reconnaitre, dès les premiers comptes clos suivant la date de promulgation de la loi de finances, la quote-part de la contribution exceptionnelle basée sur l’IS de l’exercice 2024/2025 en intégralité dans le résultat de l’exercice. Les comptes semestriels de la période suivante devront intégrer la quote-part estimée basée sur l’IS de l’exercice 2025/2026 via le taux effectif d’impôt2.
Taxe sur les réductions de capital par rachat d’actions
La loi de finances 2025 a instauré une taxe non déductible de 8% sur les réductions de capital consécutives à un rachat d’actions propres (en dehors du cadre de l’actionnariat salarial). Cette taxe concerne les entreprises réalisant plus d’un milliard de chiffre d’affaires. Elle est applicable aux opérations réalisées à compter du 1er mars 2025 avec une assiette égale à la somme des montants de réductions de capital et de la part des primes liées (au sens comptable). Elle est également applicable aux opérations réalisées entre le 1er mars 2024 et le 28 février 2025 avec une assiette égale à la somme des montants de réductions de capital nettes des augmentations de capital et de la part des primes liées (toujours au sens comptable).
Cette taxe n’est pas assise sur les bénéfices imposables et ne répond donc pas à la définition d’un impôt sur le résultat selon IAS 12. En revanche, elle répond à celle d’un prélèvement au sens d’IFRIC 213.
Dans la mesure où cette taxe est rattachable aux opérations de rachat d’actions propres préalables à leur annulation et où elles constituent des transactions de capitaux propres au sens de la norme IAS 32, cette taxe pourrait être assimilée à des frais de transaction et comptabilisée en réduction des capitaux propres4.
La date de comptabilisation devrait correspondre au fait générateur fiscal, à savoir la date d’annulation des titres. Mais, pour les opérations réalisées antérieurement sur la période comprise entre le 1er mars 2024 et le 28 février 2025, la date de comptabilisation correspondrait à la date de promulgation de la loi.
Amendements aux IFRS applicables au 1er janvier 2025
Un seul nouveau texte IFRS est d’application obligatoire au 1er janvier 2025. Il s’agit d’un amendement à IAS 21 concernant les cas d’absence de convertibilité.
Pour rappel, la norme IAS 21 – Effets des variations des cours des monnaies étrangères – fixe des règles de conversion pour toutes les opérations et activités en devises. Ces règles de conversion reposent sur le cours de change au comptant. En cas d’absence de convertibilité temporaire, la norme fournit des indications sur le cours de change à retenir. Toutefois, il n’existait pas d’indication sur le cours de change à retenir en cas d’absence de convertibilité prolongée.
L’amendement apporte une nouvelle définition d’une devise convertible5, précise à partir de quel moment il convient de considérer qu’une devise n’est plus convertible et quel est le cours de change à retenir en une telle circonstance.
Pour déterminer si une monnaie est convertible, l’amendement précise qu’il convient d’apprécier certains facteurs tels que le délai normal à obtenir l’autre devise, la capacité à obtenir cette autre devise, l’assurance que cette obtention repose sur des mécanismes d’échange « officiels » et l’objectif de la conversion.
Si, sur la base de ces éléments, la devise est jugée convertible, l’application d’IAS 21 se poursuit. En, revanche, si la devise est jugée non convertible alors il convient d’estimer le cours de change au comptant à la date d’évaluation de manière à refléter le taux auquel une opération de change aurait lieu à la date d’évaluation entre les acteurs du marché dans les conditions économiques existantes.
Pour déterminer ce cours de change, une entité peut utiliser un cours de change observable pour d’autres transactions sans ajustement ni autre technique d’estimation. L’entité peut aussi utiliser une autre technique d’estimation pouvant reposer sur l’observation de cours moins« officiels » dès qu’ils reflètent le cours qui serait obtenu pour les opérations concernées.
L’amendement est applicable de manière rétrospective selon une approche simplifiée : ajustements des capitaux propres d’ouverture sur la base des cours corrigés au 1er janvier 2025, mais sans retraiter les comparatifs.
Amendements à IFRS 7 et d’IFRS 9 « Contracts Referencing Nature-dependent Electricity »
Nous avions présenté dans le cadre de notre lettre d’actualités techniques du 14 février 2025 les objectifs, principes et modalités de mise en œuvre des amendements à IFRS 7 et d’IFRS 9 « Contracts Referencing Nature-dependent Electricity » publiés par l’IASB en décembre 2024. Ces amendements apportent des éclaircissements très attendus par de nombreux émetteurs sur l’analyse et le traitement comptable au regard d’IFRS 9 des PPA (Power Purchase Agreements). Ils seront applicables aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2026, sous réserve d’adoption par l’Union européenne. Une application anticipée est possible. Au regard du rapport EFRAG du 30 mai 2025 sur le statut d’adoption UE des nouveaux textes IFRS6, il n’est pas certain que ces amendements soient adoptés au moment de l’arrêté des comptes semestriels 2025.
Pour conclure
Comme pour la clôture 2024, le contexte géopolitique et économique concentre les points d’attention, mais les émetteurs auront en plus à tenir compte des nouvelles dispositions de la loi de finances pour 2025.
(1) Loi de finances pour 2025 publiée au JON du 15 février 2025.
(2) Par exemple, pour un groupe ayant une clôture au 31 mars 2025, la quote-part de la contribution exceptionnelle basée sur l’IS de l’exercice 2024/2025 est comptabilisé en intégralité sur cet exercice. Les comptes semestriels au 30 septembre devront intégrer la quote-part estimée de l’exercice 2025/2026 via le taux effectif d’impôt.
(3) Extrait du paragraphe 4 d’IFRIC 21 : […] les droits ou taxes sont des sorties de ressources représentatives d’avantages économiques qui sont imposées par les autorités publiques aux entités selon des dispositions légales ou réglementaires, à l’exception : (a) des sorties de ressources qui entrent dans le champ d’application d’autres normes (comme les impôts sur le résultat qui entrent dans le champ d’application d’IAS 12 Impôts sur le résultat) ; (b) des amendes et autres pénalités imposées pour violation de dispositions légales ou réglementaires.
(4) En application du paragraphe 37 de la norme IAS 32.
(5) Nouvelle définition d’une monnaie non convertible apportée au paragraphe 8 de la norme IAS 21 : « une monnaie est considérée comme convertible en une autre monnaie lorsqu’une entité est en mesure d’obtenir l’autre monnaie dans un laps de temps qui prévoit un délai administratif normal et par l’intermédiaire de marchés ou de régimes de change dans lesquels une opération d’échange créerait des droits et des obligations exécutoires ».