Retour aux actualités
Développement durable, Lettre d'Actualités Techniques

Greenwashing – Éco-blanchiment : une réalité à encadrer et à réguler encore ?

En juin dernier, l’ESA1 a publié son rapport financier sur le greenwashing. Les autorités de surveillance confirment la nécessité d’une meilleure transparence sur les critères ESG utilisés et la définition des labels pour assurer une réglementation plus efficace.

Greenwashing : définition, pratiques et parties prenantes

L’AMF définit le greenwashing comme une méthode marketing qui utilise de manière disproportionnée (voire trompeuse) l’argument écologique pour améliorer l’image d’un placement financier. Il peut prendre diverses formes : publicités mensongères, emballages trompeurs, utilisation de labels trompeurs, etc.

Ces pratiques sont d’autant plus courantes que les entreprises sont de plus en plus contraintes de communiquer sur les enjeux environnementaux, sociétaux et de gouvernance afin de répondre aux attentes des différentes parties prenantes. Ces pressions proviennent de diverses sources, notamment :

  • des consommateurs : leur intérêt pour une consommation plus responsable ne cesse de croître : près de 3 Français sur 4 affirment changer leurs pratiques au quotidien pour réduire l’impact de leur consommation2, et une proportion similaire requiert une meilleure information sur l’impact environnemental et social des produits qu’ils achètent3,
  • des investisseurs, tels que les sociétés de gestion de portefeuille qui doivent répondre aux réglementations en vigueur, telles que la SFDR4 ou celles liées au « Pacte vert pour l’Europe » de la Commission européenne.

Ces pratiques trompeuses entraînent des conséquences pour les parties prenantes et contribuent à une perte de confiance, souvent dénoncée par les ONG5. Elles peuvent également conduire à de la désinformation ou à des choix qui ne correspondent pas aux véritables enjeux ESG.

Des accusations de plus en plus fréquentes malgré l’accroissement des réglementations

L’une des accusations récentes a été le financement de l’expansion de l’aéroport de Hong Kong début 2022 par le biais de financement vert. Ce dernier, largement médiatisé, a suscité des préoccupations parmi les investisseurs et les associations de défense de l’environnement.

Au-delà des cas médiatiques, l’EBA a relevé, dans son rapport de juin 2024, une augmentation de +21,1 % des cas présumés au niveau mondial et de +26,1 % au niveau de l’Union européenne. En France, les conclusions de la DGCCRF, à la suite de son rapport sur l’éco-blanchiment, dressent un constat similaire et insistent sur le caractère « globalisant » des communications effectuées par les entreprises ou les marques. Par exemple, des produits sont qualifiés de « respectueux de l’environnement », « écologiques » ou « éco-responsables » sans justification.

Face à ces constats, les régulateurs et les réglementations en place, ainsi que celles en cours de déploiement, tentent d’encadrer ces pratiques. De nombreuses réglementations sont en cours de déploiement en Europe et à l’international, dont :

  • le règlement SFDR pour le secteur financier, la directive CSRD avec l’établissement d’un rapport de durabilité ;
  • la Taxonomie, qui permet de définir un cadre pour identifier les activités éligibles et alignées des entreprises par rapport aux objectifs environnementaux, dans le but de permettre une comparabilité en normalisant les critères ;
  • le projet de directive UE sur les Green claims visant à réduire les labels verts qualifiés de fantaisistes afin de protéger les consommateurs du risque de greenwashing en évitant l’utilisation d’expressions trompeuses telles que « zéro net », « neutre en carbone » ou « écologique ».

La nécessité d’encadrement et de contrôles

Les réglementations sont certes nombreuses mais elles définissent encore des règles relativement souples, comme le souligne le rapport de l’ACPR et AMF publié en juin 2024. Ce constat est cohérent, car l’information en matière de durabilité reste encore peu mature. Cependant, cette information fera peu à peu l’objet de contrôles par les auditeurs de durabilité, conformément à la directive CSRD, pour converger in fine vers une assurance raisonnable de l’opinion sur l’information de durabilité, comme pour l’information financière.

En attendant l’augmentation de ces contrôles formels et annuels, les régulateurs, comme l’AMF, renforcent leur supervision. De plus, une meilleure supervision des financements verts est en cours grâce à la définition des normes de l’UE pour les Green Bonds (à ce stade uniquement volontaires).

Enfin, le pouvoir des sanctions financières peut être un moyen efficace. Par exemple, l’article L. 132-2 du Code de la consommation considère le greenwashing comme une infraction pénale si les pratiques commerciales sont reconnues comme trompeuses. Les entreprises reconnues coupables peuvent encourir jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende de 300 000 euros. Cependant, les condamnations restent encore relativement rares à ce stade.

Pour conclure

Les Autorités de contrôles nationales sont incitées à approfondir leur examen critique des allégations liées au développement durable. À ce titre, elles sont invitées à accroître leurs ressources humaines et leur expertise, à investir dans des outils de surveillance tels que les solutions SupTech et à intégrer davantage les risques d’écoblanchiment dans leurs programmes de travail. Cette orientation est essentielle pour soutenir les stratégies initiées par le Green Deal européen.

 

1 European Supervisory Authorities (EBA, EIOPA and ESMA).

2 GreenFlex/ADEME, Baromètre de la consommation responsable, octobre 2022.

3 Le guide de la communication responsable, ADEME, 2022.

4 Sustainable Finance Disclosure Regulation.

5 Article de juin 2024, Novethic, Greenwashing : une vingtaine d’ONG, de chercheurs, d’entreprises, appellent l’AMF à prendre des sanctions.

6 https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/20240619_rapport_acpr_amf_engagements_climatiques.pdf