Mission de certification du rapport de durabilité : suivez le guide !
En l’absence de norme européenne d’assurance limitée pour la mission de certification du rapport de durabilité, la H2A vient de publier ses lignes directrices afin d’aider les vérificateurs dans cette mission1. Après avoir rappelé l’objectif de la mission, nous attirons l’attention sur des points de vigilance.
Les attendus de la mission
Les exigences des textes
Pour rappel, les textes2 prescrivent que le vérificateur (commissaire aux comptes et /ou OTI) doit émettre un avis portant sur :
- la conformité aux ESRS du processus mis en œuvre par l’entité pour déterminer les informations en matière de durabilité à publier et le respect de l’obligation de consultation du comité social et économique lorsqu’il existe ;
- la conformité des informations en matière de durabilité publiées dans le rapport de gestion3, y compris avec les ESRS ;
- le respect des exigences de publication des informations prévues à l’article 8 du règlement (UE) 2020/852 (taxonomie) ;
- la conformité avec l’exigence de balisage sous format ESEF de l’information en matière de durabilité. A ce jour, en l’absence de précisions des textes sur les modalités de présentation, ce point ne sera pas abordé dans les développements qui suivent.
Mise en œuvre
Il faut bien avoir conscience que la production d’informations dans le rapport de durabilité n’est pas un simple exercice de conformité au contenu obligatoire fixé par les textes. Tout comme l’information financière, l’information en matière de durabilité doit répondre aux caractéristiques de pertinence, d’image fidèle des impacts des enjeux de durabilité. En particulier, l’information produite doit être la résultante d’un processus d’analyse de la double matérialité (matérialité d’impact et matérialité financière). Si la démarche du vérificateur ne consiste pas à dupliquer les travaux de l’entité auditée, elle doit conduire, en revanche, à une évaluation de la pertinence de la démarche d’analyse faite en conformité avec les ESRS. Aussi, le vérificateur doit apprécier l’identification des parties prenantes et les impacts, risques et opportunités (« IRO ») qui y sont attachés, ainsi que les matérialités d’impact et financière liées à ses activités et à sa chaîne de valeur.
Précisions
- Matérialité d’impact : lorsqu’un enjeu de durabilité de l’entité a des impacts matériels positifs ou négatifs, réels ou potentiels sur la population ou l’environnement à court, moyen ou long terme.
- Matérialité financière : lorsqu’un enjeu de durabilité produit ou si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il produise des effets financiers matériels sur l’entité.
En particulier, le vérificateur doit prendre en compte le fait que la matérialité s’apprécie dans le temps, ce qui implique que l’entité ait élaboré différents scénarios et prévisions en incluant la survenance possible d’événements futurs.
En ce qui concerne les informations à mentionner dans le rapport de gestion, notons que celles visées à l’article R. 232-8-4 du code de commerce (dont notamment le modèle commercial et la stratégie de la société) sont à fournir quelle que soit leur matérialité relative et pour autant qu’elles soient considérées comme significatives par l’entité.
Enfin, l’auditeur de durabilité vérifiera la structure du rapport de durabilité qui doit répondre aux exigences de la norme ESRS 1 (structuration en 4 parties).
Sur le sujet des informations liées à la taxonomie, rappelons que l’entité doit déterminer au préalable ses activités éligibles (celles contribuant aux objectifs environnementaux) et celles alignées (outre le critère ci-avant, celles qui ne causent pas de préjudice important à aucun des objectifs environnementaux et qui respectent les principes directeurs de l’OCDE). En outre, l’entité doit donner des indicateurs clés de performance (CA, CapEx, OpEX). Dans ce cadre, le vérificateur doit être attentif aux risques de double comptage susceptible d’engendrer des incohérences (notamment dans la réconciliation avec le chiffre d’affaires social, consolidé ou combiné).
Une mission nécessitant jugement professionnel et esprit critique
Tout comme pour les états financiers, la phase de prise de connaissance de l’entité et de son environnement est essentielle pour le vérificateur car elle lui donne l’occasion de collecter des éléments lui permettant de définir, sur la base d’une analyse des risques, la nature, le calendrier et l’étendue des vérifications à mener.
Il sera également sensible à l’environnement du contrôle interne, au fait que des procédures ont été mises en place pour identifier les différentes activités de l’entreprise (dont celles éligibles et alignées), les principaux impacts, risques et opportunités (IRO) liés aux enjeux de durabilité.
L’analyse de la double matérialité étant une phase très structurante pour la qualité du contenu du rapport de durabilité, le vérificateur doit être particulièrement attentif aux éléments suivants.
Matérialité d’impact et financière
Le spectre est large puisque sont englobées les propres activités de l’entité, mais aussi les relations d’affaires, c’est-à-dire celles nouées dans sa chaîne de valeur (en amont et en aval), étant précisé qu’elles ne se limitent pas aux relations contractuelles directes.
Pour la matérialité financière, il convient d’aller au-delà des risques et opportunités actuels et de tenir compte des événements futurs probables (par exemple, dans le cas d’une dépendance forte aux ressources naturelles). Plus spécifiquement, en cas de survenance d’un événement postérieur à la clôture de l’exercice et avant l’arrêté du rapport de gestion (donc du rapport de durabilité), l’auditeur vérifie que cet événement a été correctement pris en compte dans ledit rapport.
Sélection des informations à vérifier spécifiquement
Comme pour l’approche par les risques au titre de la certification des comptes et au regard du volume d’informations en matière de durabilité, le vérificateur sélectionne les informations à vérifier spécifiquement pour identifier des éventuelles erreurs, omissions ou incohérences (« anomalies significatives » susceptibles d’influencer les décisions des utilisateurs du rapport de durabilité), y compris pour le risque de fraudes ou d’écoblanchiments.
Exemple
- Si des covenants bancaires prévoient des ratios ESG à atteindre, le vérificateur sera particulièrement vigilant sur ce point.
Pour l’application du référentiel Taxonomie et de ses indicateurs associés, le vérificateur s’attachera à sélectionner les informations qui lui semblent présenter un risque important de non-conformité, compte tenu de la complexité de l’organisation de l’entité auditée. A ce titre, signalons que si les codes NACE peuvent constituer des indicateurs utiles, l’éligibilité d’une activité se fonde sur la définition donnée par le règlement « Taxonomie ».
Nécessaire connectivité avec les états financiers et autres éléments du rapport de gestion
Il est clair que le rapport de durabilité dont les éléments sont en partie issus de la comptabilité doit être en cohérence et en concordance avec les états financiers.
Exemple
- Si dans les comptes et l’annexe figurent une provision liée à un litige concernant un préjudice environnemental, il est légitime de s’attendre, dans la mesure où il est matériel, à ce qu’il soit pris en compte pour l’élaboration du rapport de durabilité.
Cette connectivité implique, lorsque le vérificateur n’a pas la mission de certification des comptes, d’avoir des échanges réguliers avec les commissaires aux comptes chargés de certifier les comptes.
Enfin, une lecture d’ensemble englobant le rapport de durabilité, les états financiers et les informations du rapport de gestion autres que celles dédiées à la durabilité (notamment sur la marche des affaires) est recommandée afin d’identifier, le cas échéant, des incohérences manifestes.
Pour conclure
Même s’il s’agit d’une nouvelle mission où l’expérience ne peut jouer, les commissaires aux comptes et les OTI ne sont pas démunis pour cet exercice. Outre les guidelines de la H2A qui seront amenées à évoluer lors de leurs mises à jour, ils bénéficient aussi de modèles de rapport fournis par la Haute autorité, ainsi que des ressources pédagogiques de la part des organes de normalisation4 pour une application optimale des ESRS.
1 H2A, lignes directrices pour ma mission de certification des informations en matière de durabilité et de contrôle des exigences de publication des informations prévues à l’article 8 du règlement UE 2020/852, octobre 2024.
2 Art. L. 821-54 (CAC) et L. 822-24 (OTI) du code de commerce.
3 Art. R. 232-8-4 du code de commerce.
4 ANC, Guide pour les grandes entreprises « Déployer les ESRS : Un outil de pilotage au service de la transition », octobre 2024 ; Efrag, ESRS implementation guidance documents, mai 2024 ; CEAOB « guidelines on limited assurance on sustainability reporting », septembre 2024.