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Audit légal et contractuel, Lettre d'Actualités Techniques

Réforme des nullités en droit des sociétés : vers une sécurité juridique accrue

Le régime actuel des nullités en droit des sociétés est complexe, avec la coexistence de deux dispositifs, l’un issu du code civil, l’autre du code de commerce. De plus, il n’est pas en conformité totale avec le droit européen1. Une ordonnance2 vient à bon escient clarifier le régime des nullités et sécuriser les décisions sociales en limitant le risque de nullité et ses impacts. Voici les principales mesures.

La prévalence du code civil en matière de nullité

En abrogeant les articles L. 235-1 à L. 235-14 du code de commerce relatifs aux nullités, l’ordonnance a replacé le dispositif de droit commun au sein du code civil (art. 1844-10 à 1844-17 dudit code). Quant aux règles régissant les nullités spécifiques aux différentes formes de sociétés et des sociétés cotées, elles sont reclassées dans les dispositions du code de commerce.

L’action en nullité

Réduction du délai de prescription

Le délai de prescription de droit commun pour l’action en nullité passe de 3 ans à 2 ans à compter du jour où la nullité est encourue.

Par ailleurs, l’action en nullité s’éteint lorsque la cause de la nullité a cessé d’exister le jour où le tribunal statue sur le fond en première instance.

Un pouvoir de contrôle accru pour les juges

Un nouveau mécanisme dit « triple test » est introduit de telle sorte que le prononcé de la nullité n’est pas automatique, sauf si une disposition expresse le prévoit. Ainsi, le juge doit, pour prononcer la nullité, effectuer un triple contrôle conformément au nouvel article 1844-12-1 du code civil. Il vérifiera en conséquence :

  1. L’existence d’un grief du demandeur justifié par la lésion de l’intérêt protégé ;
  2. Si l’irrégularité a exercé une influence sur le sens de la décision, objet de la demande en nullité ;
  3. La proportionnalité de la sanction au regard des conséquences de l’irrégularité d’une part, et de celles de l’annulation de la décision, d’autre part.

Le juge a aussi le pouvoir de différer les effets de la nullité dans le temps, notamment lorsque la rétroactivité de la nullité de la décision conduit à produire des effets excessifs pour l’intérêt social.

Notons toutefois que ce pouvoir ne s’exerce pas pour certaines décisions (voir ci-après).

Les causes de nullité

Les causes de nullité automatique

  • Constitution de la société

Une nouveauté mérite d’être signalée : désormais la nullité de la société ne peut résulter que de l’incapacité des fondateurs ou de la violation de la règle relative au nombre minimum d’associés.

  • Changement de nationalité de la société

Celle-ci est nulle si elle est prise en violation des dispositions de l’article L. 225-97 du code de commerce.

  • Nullité des apports

Il est prévu une nullité des apports au titre d’une violation d’une disposition impérative de droit des sociétés ou de l’une des causes de nullité des contrats en général tel un vice de consentement.

Exemple

Absence de nomination d’un commissaire aux apports en cas d’apports en nature ou de stipulation d’avantages particuliers (art. L 225-147 c. com.).

Notons que la nullité d’un apport entraîne l’annulation des parts sociales ou des actions émises en contrepartie de la restitution par la société des engagements exécutés de l’apporteur.

Pour les nullités non soumises à l’appréciation d’un juge, nous avons aussi relevé les suivantes.

  • Nullité concernant la nomination d’un administrateur ou d’un membre du CS.
  • Non-respect de l’équilibre Hommes/Femmes dans les SA, SCA cotées ou non.
  • Non-respect des règles régissant la dotation à la réserve légale.

Les causes de nullité soumises au « triple test »

Pour de nombreuses décisions en droit des sociétés, il est mentionné, dans les textes, la possibilité d’intenter une action en nullité. Dans ce cadre, il est intéressant de noter que le juge s’attache à apprécier la proportionnalité de la sanction au regard des conséquences de l’irrégularité commise.

Parmi ces causes de nullité relative, nous avons relevé ces dernières.

  • La violation des règles relatives à la nomination des administrateurs, représentant des salariés.
  • Le non-respect de la limite d’âge fixée par les statuts ou à défaut le nombre des administrateurs ayant dépassé l’âge de soixante-dix ans supérieur au tiers des administrateurs en fonctions.
  • Les décisions prises en assemblée d’approbation des comptes en violation des dispositions liées à la présentation des comptes, du rapport de gestion et des rapports du commissaires aux comptes (art. L. 225-121 avec renvoi à art. L. 225-100). Signalons que dans le régime actuel, la nullité est automatique.
  • Les décisions prises en assemblée et violant les dispositions relatives aux modifications statutaires, susceptibles de faire l’objet d’une action en nullité.

Les effets de la nullité

L’ordonnance circonscrit souvent la portée d’une décision entachée de nullité. Ainsi, sauf disposition législative expresse, la nullité de la nomination ou le maintien irrégulier d’un organe ou d’un membre d’un organe de la société n’entraîne pas la nullité des décisions prises par celui-ci. Ainsi, sont évitées les nullités en chaîne issues de la nullité d’une décision.

A noter : de façon pragmatique, pour les sociétés cotées, l’ordonnance prévoit que l’action en nullité portant sur une décision d’augmentation de capital (sauf celle réservée à des bénéficiaires restreints avec suppression du DPS) n’est plus recevable à compter de la réalisation de l’opération.

Dispositions particulières

Les nullités en matière de nomination des auditeurs

Les auditeurs du rapport de durabilité seront désormais concernés par la nullité des délibérations prises irrégulièrement en ce qui concerne leur désignation ou leur maintien selon le droit commun des nullités. Cette mesure entrera en vigueur seulement à compter du 1er janvier 2027 (art. 821-5 c. com. modifié).

La violation de clauses statutaires

Il est instauré un principe général selon lequel la violation des statuts ne constitue pas une cause de nullité, sauf si la loi en dispose autrement (art. 1844-10, al. 4).

Une exception à ce principe en ce qui concerne les SAS. En effet, en raison de la souplesse d’organisation de cette forme de société, leurs statuts peuvent prévoir la nullité des décisions sociales prises en violation des règles qu’ils ont établies. L’action en nullité qui pourrait en découler est alors mise en œuvre selon la procédure de « triple test ».

Pour conclure

Si la limitation de la portée de la nullité d’une décision peut avoir des répercussions bénéfiques sur la vie des affaires, il est légitime de penser que le recours au juge pour apprécier les critères qui permettent l’action en nullité peut freiner les velléités de nombreuses parties prenantes telles que les minoritaires.

(1) Directive 2017/1132 du 14 juin 2017.

(2) Ordonnance 2025-229 du 12 mars 2025, avec une entrée en vigueur au 1er octobre 2025, sauf en ce qui concerne la nomination d’un commissaire aux comptes ou d’un auditeur de durabilité qui entrera en vigueur au 1er janvier 2027.