Le lexique de l’évaluation d’entreprises : méthodes, valeurs et indicateurs clés
BM&A fort de ses dizaines d’année d’expérience en Evaluation présente ici un lexique de l’évaluation pour comprendre à travers plusieurs questions, les grands principes.
Quelle est la différence entre la valeur et le prix d’une entreprise ?
Généralement exprimée sous la forme de fourchettes, la valeur correspond à une approche rationnelle du montant qu’un investisseur accepterait de payer une entreprise tel qu’il peut être estimé à partir de méthodes objectives (telles que les approches intrinsèques et analogiques détaillées infra).
Le prix est le montant sur lequel s’accordent un acheteur et un vendeur. Ce prix peut différer de la valeur pour des raisons subjectives tenant aux parties ou aux conditions de la transaction. Par exemple, un acheteur peut accepter de payer un prix supérieur à la valeur du fait de synergies opérationnelles ou financières attendues. À l’inverse, un vendeur peut être pressé de signer la transaction pour développer d’autres projets.
Enterprise Value et Equity Value : les deux grandes notions de valeur
Deux principales valeurs sont en général considérées en évaluation : (i) la valeur d’entreprise (valeur de l’actif économique ou Enterprise Value) qui correspond à ce qu’un acheteur devrait débourser pour acquérir les actifs de la société et, (ii), la valeur des capitaux propres (valeur des fonds propres ou equity value), qui correspond à ce qu’un acheteur devrait payer pour acquérir les parts sociales de la société.
La principale différence entre ces deux niveaux de valeur se situe au niveau de la prise en compte de la structure de financement des actifs : dans le premier cas l’acquéreur achète les actifs, quel que soit la façon dont ils ont été financés, alors que dans le second il achète des actions et devient donc tributaire de la structure de financement actuelle des actifs.
Méthodes d’évaluation d’une entreprise : approches intrinsèques vs analogiques
Les méthodes intrinsèques visent à estimer la valeur d’une entreprise à partir de ses performances financières propres. La plus populaire de ces méthodes est l’actualisation de flux de trésorerie ou DCF (Discounted Cash Flow), qui consiste à assimiler la valeur de l’entreprise à la somme des flux de trésorerie futurs qu’elle produira, actualisés à un taux adapté.
La famille de méthodes d’évaluation dites analogiques regroupe les approches qui transposent des références de valeur relevées pour des transactions comparables à l’entreprise à valoriser, en général de manière proportionnelle à un ou plusieurs indicateurs financiers sélectionnés pour leur pertinence.
Les deux principales variantes usuellement mises en œuvre sont les multiples de comparables boursiers et les multiples de transactions comparables. La première utilise comme référence des valeurs dérivées de cours de sociétés cotées en bourse. La seconde reprend des prix acquittés dans le cadre de transactions réalisées sur des sociétés, cotées ou non. Elles sont souvent mises en œuvre comme vérification d’une méthode intrinsèque.
Comprendre l’évaluation DCF : Discounted Cash Flow en pratique
De manière générale, la valeur d’une société ou un groupe de sociétés se détermine au travers de sa capacité à générer des flux financiers positifs dans le futur (Free Cash Flows). Quel que soit leur utilisation (remboursement des créanciers, distribution sous la forme de dividendes ou réinvestissement dans l’entreprise), ces flux participeront à la création de valeur pour l’actionnaire. Trois principales variantes de la méthode DCF sont en général utilisées par les évaluateurs :
- La plus usuelle est le DCF d’exploitation (ou DCF « to the firm »), qui actualise au coût moyen pondéré du capital les cash-flow libres généré par l’exploitation et aboutit à une valeur d’entreprise.
- L’actualisation au coût des fonds propres des seuls cash-flow libres disponibles pour l’actionnaire (DCF « to equity ») est moins courante et aboutit directement à une valeur de capitaux propres.
- Enfin il est également possible de déterminer une valeur des fonds propres à partir de la somme actualisée des dividendes futurs : c’est le DDM ou dividend discount model.
Les flux futurs y compris la valeur terminale doivent être actualisés à un taux adéquat pour déterminer leur valeur au jour de l’évaluation. Dans le cas du DCF to the firm, la somme des flux est ensuite corrigée des éléments de passage entre la valeur d’entreprise et la valeur des capitaux propres (ou bridge Ev-Eq) pour aboutir à une valeur de capitaux propres.
Bridge EV-EQ : comment passer de la valeur d’entreprise à la valeur des fonds propres ?
Le bridge Ev-Eq est essentiellement composé de la position de trésorerie nette issue des comptes de la société à date. Ces éléments pourront éventuellement être ajustés pour mettre en cohérence la position de trésorerie nette comptable avec les hypothèses retenues pour construire les flux futurs (notamment au niveau du BFR), tenir compte de la valeur vénale d’actifs qui n’entrent pas dans le périmètre des flux d’exploitation ou encore pour intégrer la valeur potentielle d’éléments hors bilan, comme les déficits reportables.
Flux actualisés et business plan : les éléments à intégrer dans une évaluation
Les flux futurs actualisés sont déterminés à partir d’un plan d’affaires (business plan) établi par le management. Celui-ci comprend en général des prévisions de résultat d’exploitation hors amortissement (Excèdent brut d’exploitation -EBE comprenant la participation des salariés ou EBITDA), les éléments exceptionnels donnant lieu à encaissements ou décaissements, l’impôt, les variations du besoin en fonds de roulement et les investissements prévus (CAPEX). Dans le cas d’un DCF to equity, le cash-flow d’exploitation sera ajusté des frais financiers et de la variation de l’endettement pour aboutir au cash-flow libre disponible pour l’actionnaire.
Ces flux à court et moyen terme sont complétés par la valeur terminale de l’entreprise qui est en général1 mesurée par une capitalisation à l’infini de son dernier flux grâce à la formule de rente à l’infini de Gordon-Shapiro. Cette valeur terminale, également actualisée, complète la somme des flux prévus sur l’horizon « fini » du plan d’affaires.
Comment estimer le taux d’actualisation applicable dans un DCF ?
Le taux d’actualisation doit refléter le niveau de rendement qu’exigerait un investisseur pour un actif de même risque et doit tenir compte des caractéristiques de l’objet évalué, du contexte de l’évaluation et de la nature des flux actualisés. Il différera notamment selon le type de DCF réalisé. Par exemple, un DCF aboutissant à une valeur d’entreprise (DCF to the firm) retient en général un coût moyen pondéré du capital (ou WACC pour Weighted Average Cost of Capital), qui combine un coût des fonds propres et un coût de la dette, alors qu’un DCF aboutissant à une valeur de capitaux propres utilisera seulement un coût des fonds propres.
Le coût des fonds propres est en général déterminé à partir du modèle d’équilibre des actifs financiers (MEDAF ou CAPM pour Capital Asset Pricing Model). Il combine un taux sans risque (généralement le taux des emprunts d’Etat à 10 ans) augmenté d’une ou plusieurs prime(s) de risque. Selon la méthode retenue pour l’estimer et les risques déjà pris en compte dans les flux du plan d’affaires, ces primes pourront couvrir un certain nombre de risques : le risque général de marché (ou risque systématique), le risque sectoriel (grâce au coefficient bêta), le risque de défaut de l’entreprise, l’éventuel risque supplémentaire induit par sa taille, un risque spécifique à la société évaluée et/ou des incertitudes sur les prévisions du plan d’affaires, le risque pays ou géopolitique, ….
Le coût de la dette correspond au taux d’intérêt fixe de marché applicable à l’objet évalué à la date de l’évaluation et se trouve donc généralement décomposé en un taux sans risque (taux des emprunts d’Etats ou taux SWAP, plus populaire dans le monde obligataire) auquel s’ajoute un spread obligataire qui permettra au prêteur de se couvrir, notamment, contre le risque de défaut de la société évaluée.
BM&A développe sous la marque Fairness Finance (fairness-finance.com), une gamme complète d’outils innovants et de références de marché mises à jour tous les mois permettant l’appréciation des taux d’actualisation utilisés dans les approches d’évaluation intrinsèques.
La méthode des multiples : valoriser une entreprise par comparaison
Il est fréquent qu’une entreprise soit évaluée selon la méthode des multiples, notamment quand l’évaluation est réalisée dans un contexte transactionnel ou par un fonds d’investissement. Celle-ci consiste en général à multiplier l’EBITDA récurrent généré par la société (soit l’EBITDA retraité des éléments positifs ou négatifs estimés comme exceptionnels ou ne présentant pas de récurrence dans le futur) par un multiple tiré de transactions réalisées sur des cibles comparables, cotées ou non cotées, puis diminué de l’endettement net normalisé (cf. éléments de passage entre la valeur d’entreprise et la valeur des capitaux propres supra).
Un multiple étant mathématiquement l’inverse d’un taux de capitalisation, on peut également considérer que cette méthode revient à déterminer la valeur d’une société en capitalisant un proxy de ses cash-flows d’exploitation futurs (l’EBITDA récurrent) à un taux de marché, comme la méthode de la rente à l’infini (dite de « Gordon-Shapiro ») ou la capitalisation des loyers très souvent utilisée en évaluation immobilière.
Comment évaluer une entreprise structurellement déficitaire ou en retournement ?
Par construction, une entreprise structurellement déficitaire n’a pas de valeur. Estimer une valeur positive pour ce type de société suppose donc que le plan d’affaires modélise des revenus futurs positifs post redressement mais aussi les flux négatifs induits par les mesures de nature à permettre ce redressement.
On parle alors, par abus de langage, d’un prix négatif quand une entreprise est cédée pur un euro symbolique assorti d’un montant versé par le cédant pour permettre à l’acquéreur de financer les mesures de redressement nécessaires.
Par ailleurs, une telle entreprise peut présenter des actifs ou une branche d’activité présentant individuellement de la valeur ou susceptibles de présenter des synergies avec un acheteur potentiel que celui-ci accepterait de prendre en compte pour la détermination de son prix d’acquisition susceptibles. Dans un tel cas une vente d’actifs (assets deal) ou la cession d’une branche d’activité (spin off ou carve out) peut être envisagée pour donner une valeur aux actifs mis sur le marché.
Comment évaluer une société start up ?
La problématique posée par l’évaluation de sociétés n’ayant pas encore démontré la viabilité de leur business model est assez proche de celle des sociétés en retournement évoquée supra. Au minimum, l’évaluateur devra à la fois considérer le potentiel de développement de la structure, le montant de l’investissement nécessaire pour passer le point mort et estimer le risque d’échec du projet.
Dans certains secteurs d’activités, cet exercice est facilité par l’existence de procédures règlementaire permettant d’identifier de manière claire et binaire les principales étapes menant au succès ou à l’échec de la startup (les « milestones »). C’est notamment le cas pour les sociétés Biotech où de nombreuses statistiques permettent d’évaluer les chances de succès des projets. Dans ce cas une approche d’évaluation rNPV ( risk Adjusted Net Present Value) ou eNPV ( expected Net Existing Value) peut être mise en œuvre où les flux positifs et négatifs attendus en cas de succès sont pondérés par leur probabilité de survenance (Probability of Success ou POS).
Évaluer une banque ou une institution financière : quelles spécificités ?
L’évaluation d’une banque ou d’une société d’assurance ne se prête pas à l’approche classique de l’actualisation des flux d’exploitation (DCF to the firm) car son résultat d’exploitation est constitué, par construction, de la différence entre la marge d’intérêt entre ses placements et son endettement et les commissions diminuées des charges opérationnelles et de son coût du risque. La dette financière d’une banque relève de son activité même et non uniquement du financement de son exploitation. Par ailleurs, une banque doit respecter des ratios réglementaires liés à son activité qui rend partiellement indisponibles pour ses associés les résultats dégagés. De ce fait, l’évaluateur privilégiera ici les actualisations de flux libres pour l’actionnaire comme le DCF to equity ou le DDM décris plus haut.
Quelle méthode pour évaluer une société holding ?
Une société holding visant à détenir des actifs de nature diverse au sein d’une entité juridique, les méthodes décrites supra peuvent être mise en œuvre pour évaluer la valeur des actifs détenus quand des références plus directes ne sont pas disponibles. Ces valeurs seront ensuite agrégées pour déterminer l’actif net réévalué (ANR) de la société holding si l’on part de comptes sociaux ou sa somme des parties (sum of the part ou SOTP), si l’on s’appuie sur des comptes consolidés.
Notre équipe Evaluation et Modélisation financière peut intervenir à différents niveaux : expertise indépendante, évaluation d’actifs et de titres dans un cadre contractuel, allocation de prix d’acquisition et impairment tests, évaluation de management package, commissariat aux apports et à la fusion et modélisation financière et analyse de scénario. Pour découvrir l’équipe et comprendre notre approche, retrouvez toutes les informations sur notre page Conseil financier