Digitaliser l’information sur la durabilité
Le Pacte Vert (Green Deal) a pour objectif de faire de l’Union européenne la première région neutre en émission carbone d’ici 2050. Une composante clé de cette initiative est la directive sur le rapport de durabilité (CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive). Elle instaure, à partir de 2025 ou plus tard selon la taille de l’entreprise, une information sur les cibles et actions en matière de durabilité dans l’objectif de s’aligner sur la trajectoire « Net Zero », et d’atteindre d’autres objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance au-delà des seules préoccupations climatiques.
Les normes ESRS : trop complexes ?
Mandaté par la Commission européenne, l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a préparé des normes européennes de reporting sur la durabilité (ESRS, European Sustainability Reporting Standards), en tant qu’instrument de transparence et de comparabilité pour établir le rapport de durabilité.
Les ESRS contiennent des exigences déclaratives très détaillées, parfois dénoncées comme trop complexes. On observe donc des appels réguliers à en simplifier la mise en œuvre ou à les appliquer de manière progressive, afin de ne pas nuire à l’économie européenne. Les exigences internationales, normalisées par l’ISSB (International Sustainability Standard Board) et qui devraient s’appliquer aux entreprises britanniques ou américaines notamment, semblent moins contraignantes. La trajectoire réglementaire européenne pourrait donc encore évoluer.
L’information digitalisée : reportée à plus tard
Dans ce contexte, alors que les premiers émetteurs préparent leur rapport sur l’exercice 2024, l’exigence, introduite par la CSRD, d’une publication dans un format digital n’est pas encore applicable, en l’absence de modalités publiées par le régulateur. Selon la directive, le reporting sur la durabilité doit être « comparable, fiable et facile à trouver et à utiliser avec les technologies numériques ». Les normes ESRS ont donc été conçues pour que les données soient structurées et accessibles de manière digitale. Le format unique européen (ESEF, European Single Electronic Format) a été retenu. Il est utilisé depuis 2021 pour les rapports financiers IFRS des entreprises dont les titres sont admis à la négociation sur les marchés réglementés de l’UE. Basé sur la technologie inline XBRL, il utilise une taxonomie (un dictionnaire technique) pour baliser électroniquement l’information, facilitant la recherche et l’exploitation par les utilisateurs et les machines. L’EFRAG a publié une taxonomie ESRS, mais sa mise en application repose sur la publication d’un règlement ESEF adapté, qui reste à préparer par l’ESMA puis à homologuer par la Commission européenne.
Les principes digitaux : à considérer dès à présent
Il est néanmoins nécessaire de réfléchir au plus tôt à un processus robuste pour publier ses rapports financiers IFRS et durables ESRS au format ESEF. Il s’agit d’ajuster la rédaction pour garantir que le balisage puisse être effectué efficacement et correctement en temps utile. Le risque est en effet, si on conçoit un rapport sans connaissance de la taxonomie EFRAG, qu’il ne puisse pas être numérisé sans que sa forme et son contenu soient modifiés.
Une façon de préparer le processus consiste à confronter une partie du rapport à la taxonomie, et aux exigences intrinsèques à un document inline XBRL, pour observer comment les données chiffrées dans les textes ou les tableaux, ainsi que les sections narratives du rapport, peuvent être facilement rapprochées des concepts taxonomiques, ou pas.
Une présentation respectueuse de chaque exigence de publication (disclosure requirement) des ESRS est réputée favoriser un rapprochement direct. Néanmoins, portée par des choix techniques, la modélisation taxonomique peut s’écarter de la structure normative, avec plusieurs balises pour une seule exigence. Elle introduit aussi des limitations sur le recours aux images, et des modalités structurantes sur la traduction électronique des liens entre les politiques ESG et leurs impacts, risques, opportunités (IRO), les actions, les cibles et les indicateurs.
Enfin, le processus de balisage doit préserver la lisibilité du rapport. ESEF privilégie le format HTML des pages web : la conception historique, encore très fréquente, d’un rapport au format papier (PDF en particulier) engendre des difficultés.
Une première analyse, dès à présent, sur une partie du rapport permet aux équipes ESG de comprendre la cible digitale, d’anticiper ses écueils et de faciliter les travaux futurs.
Le balisage GRI : un passage intermédiaire
Les standards GRI (Global Reporting Initiative) constituent un autre cadre international largement utilisé pour le reporting sur la durabilité. Ils s’appliquent dans une démarche volontaire pour publier les impacts environnementaux, sociaux et en matière de gouvernance (ESG), avec une envergure moindre que celle des ESRS. Les normes GRI mettent l’accent sur les effets de chaque organisation sur la société et le développement durable, soulignant la responsabilité de ces effets même en l’absence d’un impact financier direct.
Le balisage des indicateurs GRI dans le rapport de durabilité peut constituer une étape intermédiaire pour se préparer aux exigences attendues de digitalisation. Les cadres GRI et ESRS partagent certains principes et le choix de la technologie inline XBRL pour digitaliser. L’EFRAG a donc travaillé avec le GRI pour proposer des tables de passage entre leurs taxonomies respectives. Grâce à celles-ci, le travail réalisé sur les indicateurs GRI peut être facilement réutilisé pour avancer sur le balisage ESRS.
Pour conclure
La CSRD vise une communication claire et détaillée, sans écoblanchiment, des avancées de l’entreprise en termes d’ESG. Les normes ESRS apportent de la rigueur dans la structuration de l’information ; il serait dommageable de ne pas permettre un accès direct et transparent à cette information, apporté par le format digital. C’est un objectif à préparer dès aujourd’hui !
BM&A Advisory & RegTech, pour les rapports digitaux
BM&A structure ses activités d’appui et d’expertise pour le reporting réglementaire et digital au sein d’une plateforme de service dédiée, BM&A Advisory & RegTech. Celle-ci intervient dans les états financiers, les états prudentiels (en particulier pour les banques et assurances) et les états de durabilité (ESRS et GRI), et mène actuellement des ateliers de pré-mapping pour aligner ces rapports avec les taxonomies XBRL, réduisant ainsi les écarts vers le format digital. Active dans les associations de place, elle fait bénéficier ses clients de travaux mutualisés et coordonnés.
Basée à Londres, l’équipe est composée de trois experts en lien avec les autres entités BM&A : Thomas, responsable des enjeux réglementaires et XBRL, Olivier, expert en logiciels, et Janvi, spécialiste de l’offre pour le Royaume-Uni et l’Irlande.