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Nouvelle donne pour le calcul des indemnités de congés payés

Après les incertitudes liées aux décisions de la Cour de cassation1, puis du Conseil constitutionnel2, la loi DDADUE3 a tranché le sujet en se conformant au droit européen en ce qui concerne l’acquisition des congés payés lors d’un arrêt de travail pour maladie, même si celui-ci n’est pas issu d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Les entreprises doivent désormais s’interroger sur l’impact de cette évolution du droit du travail sur les comptes. Voici des éléments pour, le cas échéant, réapprécier l’évaluation des dettes et provisions pour congés payés4.

Les principales dispositions de la loi DDADUE en ce qui concerne l’acquisition des congés payés

Acquisition des droits à congés

Les périodes d’absence pour maladie ou accident non professionnels sont désormais assimilées à du travail effectif. Elles donnent droit à l’acquisition de 2 jours de congés ouvrables (contre 2.5 jours habituellement) ou 1.66 jours ouvrés (contre 2.08 habituellement) par mois, soit 80%.

Par ailleurs, le salarié totalement absent sur la période de référence d’acquisition des droits à congés (en principe du 1er juin N-1 au 31 mai N), acquiert 24 jours (ouvrables) ou 20 jours (ouvrés) au maximum.

Enfin, il est prévu un report possible de 15 mois (minimum légal) pour prendre les congés que le salarié n’a pu prendre en raison de son arrêt maladie pendant la période d’acquisition de ses droits. Pour ce report, le point de départ est fixé à compter du “terme de la période d’acquisition”, et ce, même si le salarié n’a pas repris le travail et sans information du salarié de ses droits à congés (article L. 3141-19-2 du c. trav.).

Exemples

  • Reprise du travail postérieure à l’expiration du délai de report de 15 mois : les congés sont perdus.
  • Reprise du travail avant l’expiration du délai de report de 15 mois : prise des congés acquis dans le reliquat du délai de report courant à compter de l’information de l’employeur.

En conséquence, le salarié ne peut donc pas cumuler des congés pendant une durée indéterminée en cas d’un arrêt de travail de longue durée.

Portée de la rétroactivité

La loi prévoit une rétroactivité pour les congés qui n’ont pu être pris en raison des arrêts maladie pour la période du 1er décembre 2009 – date d’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne – au 24 avril 2024 – date d’entrée en vigueur de la loi.

Toutefois, les délais de forclusion et de prescription limitent la portée de cette rétroactivité :

  • pour les salariés en poste, le délai de forclusion des demandes est de 2 ans à partir de la date d’entrée en vigueur  de la loi, soit le 24 avril 2024 ;
  • pour les anciens salariés qui souhaiteraient faire valoir leurs droits, en principe la prescription de droit commun s’applique, soit 3 ans5.

De plus, le bénéfice de 24 jours ouvrables (ou 20 jours ouvrés) s’apprécie en tenant compte des autres congés déjà acquis (par exemple au titre du travail effectif) de telle sorte qu’il n’existe pas forcément de cumul, ce qui peut réduire fortement l’impact financier des demandes relatives aux droits des congés non pris.

Exemple

Sur les 12 mois de la période de référence d’acquisition des droits, un salarié a été en arrêt maladie pendant 2 mois (soit 4 jours de CP acquis). Mais comme sa période de travail lui permet d’obtenir 25 jours ouvrables (2,5 x 10), il n’aura pas de congés supplémentaires.

Un droit d’information obligatoire au profit du salarié

L’employeur doit, dans le mois qui suit la reprise du travail du salarié, lui indiquer le nombre de jours de congés dont il dispose et la date limite pour la prise de ces congés (art. L. 3141-19-3 c. trav.).

Impacts comptables en normés comptables françaises pour une clôture postérieure au 24 avril 2024

Avant d’aborder l’impact des évolutions législatives, il convient au préalable de reprendre les dispositions de la convention collective ou de l’accord d’entreprise applicables, sachant qu’elles peuvent être plus favorables que celles du Code du travail.

Impact sur les règles de calcul

Pour rappel, l’indemnité de congés payés peut se calculer, en appliquant la solution la plus favorable au salarié :

  • soit par 1/10e du salaire brut sur la période de référence d’acquisition des droits ;
  • soit par maintien du salaire.

Notons que la réforme a un impact sur le calcul fondé sur le 1/10e puisque dans ce cas, il est appliqué une décote de 20 % sur le salaire correspondant aux périodes d’arrêts maladie, comme la réfaction de 20 % des droits à congés.

Impact sur les comptes en fonction des situations rencontrées

  • Salarié présent en arrêt de travail pendant la période d’acquisition des droits6 (hypothèse 1er juin 2023 -31 mai 2024) en cours à la date de l’entrée en vigueur de la loi. Dans ce cas, la dette pour congés payés sera ajustée en fonction du temps de l’arrêt de travail en tenant compte des règles exposées ci-dessus.
  • Salarié présent qui a été en arrêt de travail avant cette période et qui a repris le travail. Là encore, si le salarié a droit à des congés supplémentaires et en tenant compte de ceux déjà pris, la dette de congés pourrait être réajustée.
  • Salariés ayant quitté l’entreprise et dans la mesure où la prescription triennale trouve à s’appliquer. Comme le devoir d’information de l’employeur ne s’impose pas dans ce cas, le risque d’avoir une sortie de ressources probable est lié aux demandes de régularisation des congés payés de la part des ex-employés. En cas de demande justifiée, il conviendra de constater une charge à payer à ce titre. Dans le cas où la demande interviendrai post-clôture, mais avant l’arrêté des comptes, il conviendra aussi de la prendre en compte, car il existe un lien de causalité entre la demande et l’évènement ayant pris naissance avant cette clôture.

Le point délicat reste l’évaluation du passif par le biais d’une provision pour risque en classe 15 pour estimer la probabilité de sortie de ressources. Aussi, cela dépend beaucoup du contexte du départ et tous les ex-salariés concernés n’auront pas vocation à faire des demandes de régularisation.

Toutefois, l’entreprise doit être en mesure de faire une simulation des potentiels droits à congés en tenant compte des limitations liées au délai de prescription et aux modalités de calcul des droits. Ensuite, la probabilité d’une demande de régularisation, voire d’une action en justice, dépend beaucoup du profil de l’ex-salarié et des conditions de son départ.

Les modifications qui seront apportées aux montants des indemnités de congés payés constituent des changements d’estimation à comptabiliser en résultat sur l’exercice en cours.

Pour conclure

Si lors de la publication des arrêts de la Cour de cassation, les entreprises ont pu craindre les conséquences financières de la mise en conformité des règles avec le droit européen, l’impact semblerait être limité. Toutefois, les nouvelles règles imposent la mise à jour des logiciels de paie afin qu’ils intègrent ces nouveaux paramètres.

1 CASS, n° 22-17.340 du 13 septembre 2023.

2 CC, décision n° 2023-1079 QPC du 8 février 2024.

3 Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024, art. 37.

4 Sur ce point, voir CNCC communiqué du 5 juillet 2024.

5 La loi n’étant pas explicite sur ce point, cette position découle de l’avis du Conseil d’État du 13 mars 2024.

6 Selon une interprétation de la loi.