Mise en oeuvre des IFRS : extrait de décisions de la base de l’ESMA
Régulièrement, l’ESMA publie des décisions issues des régulateurs nationaux portant sur les modalités de présentation des états financiers en IFRS. Le dernier extrait1 expose des problématiques pouvant intéresser les préparateurs des comptes, notamment au regard des informations à fournir en annexes ainsi que sur l’utilisation d’indicateurs alternatifs de performance (APM).
Informations à fournir
Decision ref EECS/0125-05 – Fair Value Disclosures
Le cas – L’émetteur est une société d’investissement immobilier qui opère principalement sur le territoire national. L’entité applique, pour l’évaluation de ses biens postérieure à la date d’entrée, la juste valeur sur la base de données non observables (données dites de niveau 3) selon les dispositions de IAS 40 « Immeubles de placement ».
Pour la détermination de la juste valeur des biens immobiliers dans les états financiers, l’émetteur a indiqué que l’évaluation était fondée sur :
- l’évolution future du marché au sens large et de l’environnement immédiat ;
- et les conditions et l’emplacement des biens immobiliers.
En outre, l’émetteur a fourni des rendements locatifs par fourchettes selon l’emplacement (divisés en six catégories) d’une part, et selon le type d’utilisation (divisé en quatre catégories), d’autre part.
Position du régulateur - L’autorité de contrôle conteste la détermination des catégories d’immeubles de placement incluses dans les états financiers et en conclut que les informations relatives aux données d’entrée sont insuffisantes au regard des exigences prévues par la norme IFRS 13 (§§ 91 à 94). En particulier, compte tenu des larges fourchettes de rendement locatif appliqué par l’émetteur (variation entre 200 et 550 points de base), le niveau de détail et d’agrégation des informations concernant les données non observables est jugé insuffisant pour permettre à l’émetteur d’évaluer la juste valeur de ses actifs. En effet, pour répondre aux exigences de la norme IFRS 13, il est notamment nécessaire de prendre en compte le niveau de détail apte à satisfaire aux exigences d’informations à fournir, le degré d’agrégation ou de désagrégation à effectuer, et de s’interroger sur le fait que les utilisateurs des états financiers puissent avoir besoin d’informations supplémentaires. Aussi, l’entité doit, pour déterminer les catégories appropriées d’actifs et de passifs, se fonder sur la nature de ces éléments, ses caractéristiques et les risques y afférents mais aussi sur le niveau auquel sa juste valeur est classée, sachant qu’un niveau 3 peut nécessiter, en raison d’un degré d’incertitude et de subjectivité plus important, un nombre de catégorie plus élevé (§ 94).
En outre, le régulateur souligne des différences de risques existant entre les zones rurales et urbaines et le fait que la demande en zones logistiques et résidentielles croît alors que celle relative aux bureaux faiblit.
C’est pourquoi le régulateur a demandé à l’émetteur, pour déterminer les catégories d’actifs pertinentes, d’opter pour une matrice combinant les rendements locatifs immobiliers par emplacement géographique, ventilés par type d’utilisation.
Decision ref EECS/0125-03 – Disclosures in the interim financial report
Le cas – L’émetteur est une société spécialisée dans les énergies renouvelables qui vend de l’électricité par le biais d’accords d’achat d’électricité à long terme (PPAs). Dans lecadre d’un regroupement d’entreprises, l’émetteur a acquis des actifs de production d’électricité identifiés comme 3 unités génératrices de trésorerie (UGT) distinctes.
Sur l’exercice 2022, l’émetteur a déprécié ces 3 UGT. Dans ses états financiers intermédiaires du premier semestre 2023, il a comptabilisé une dépréciation supplémentaire représentant 72 % de la perte avant impôts de l’émetteur pour la période. L’émetteur a fourni des informations qualitatives sur les activités en cause, une analyse de sensibilité et communiqué sur le taux d’actualisation (inchangé par rapport à 2022).
Position du régulateur – Ce dernier estime que les informations fournies sur les dépréciations comptabilisées dans le rapport semestriel ne sont pas suffisantes pour les utilisateurs des états financiers. En effet, le paragraphe 15 de l’IAS 34 « Information intermédiaire » exige une explication des événements et des transactions significatifs ayant une incidence sur la compréhension de l’évolution de la situation financière et de la performance de l’entité depuis la fin de la dernière période de reporting annuel (comme les pertes de valeur d’actifs non financiers). Aussi, le régulateur souligne, que dans la mesure où l’évaluation est fondée sur des données non observables (niveau 3), les hypothèses clés de la direction sont très pertinentes pour les utilisateurs des comptes lorsque des changements dans ces hypothèses ont conduit à des dépréciations significatives.
C’est pourquoi le régulateur a demandé à l’émetteur de fournir des informations qualitatives et quantitatives supplémentaires concernant les changements dans les hypothèses clés de la direction à l’origine de la comptabilisation des dépréciations au cours du premier semestre.
Utilisation d’indicateurs alternatifs de performance (APM)
Decision ref EECS/0125-08 – Definition of an APM
Le cas – L’émetteur est un groupe avec des domaines d’activité divers (agriculture, immobilier et industrie). Dans son rapport de gestion, il a inclus plusieurs APM et fourni les informations ad hoc, conformément aux lignes directrices de l’ESMA. Il a également mentionné d’autres indicateurs tels que la « valeur estimée de l’action », les « prises de commandes en USD » et les « rendements locatifs ». Pour ces derniers, l’émetteur a considéré qu’il ne s’agissait pas d’APM et de ce fait n’a pas fourni les informations requises par ces lignes directrices.
Position du régulateur – Ce dernier considère, contrairement à l’émetteur, que ces indicateurs entrent dans le champ des lignes directrices des APM et à ce titre doivent s’y conformer. Pour rappel, les lignes directrices APM (§17) s’appliquent aux mesures de la performance financière, de la situation financière ou des flux de trésorerie historiques ou futurs, autre qu’une mesure financière définie ou spécifiée dans la norme d’information financière applicable. En l’occurrence, pour la « valeur estimée de l’action », l’émetteur indiquait qu’elle prenait en compte les plus-values latentes. Pour les « prises de commandes en USD », l’émetteur mentionnait que cet indicateur était un élément clé du carnet de commandes, fournissant des informations sur les rentrées de fonds potentielles lorsque les ventes seront comptabilisées selon IFRS 15. Enfin, en ce qui concerne les « rendements locatifs », l’émetteur présentait des ratios en prenant en compte, au numérateur, des rendements locatifs annualisés fournis par les évaluateurs externes ainsi que des données tirées de ses états financiers et, au dénominateur, son portefeuille immobilier (données tirées de ses états financiers).
Decision ref EECS/0125-06 – Scope of the APM Guidelines
Le cas – Il s’agit d’un groupe opérant dans le commerce de détail. Dans son rapport de gestion, l’émetteur a inclus une section spécifique sur les APM, mentionnant les informations requises par les lignes directrices APM. Par ailleurs, dans une autre section, elle a fourni un indicateur « CAPEX » représentant les acquisitions d’actifs corporels, incorporels et de droits d’utilisation de l’exercice pour lequel elle a estimé qu’il ne rentrait pas dans le champ des lignes directrices APM.
Position du régulateur – Celui-ci admet la position de l’émetteur pour les raisons suivantes : en examinant la définition et le calcul des CAPEX tels que déterminés par l’émetteur, celui-ci s’est conformé à l’article 8 du règlement Taxonomie. Or, conformément aux lignes directrices (§ 4), celles-ci ne s’appliquent pas aux informations relatives aux APM présentés conformément à une législation applicable, autre que le cadre d’information financière applicable. De plus, dans sa foire aux questions n° 1885 et n° 1886, l’ESMA a précisé que l’indicateur CAPEX n’entrait pas dans le champ des lignes directrices.
Pour conclure
Si l’information fournie par les émetteurs reste toujours un sujet de discussion avec les régulateurs, la nouvelle norme IFRS 18 devrait conduire à une plus grande transparence, en raison de l’accroissement des informations à fournir pour les APM renseignés en dehors des états financiers.
1 ESMA, 29th Extract from the FRWG (EECS)’s Database of Enforcement, mai 2024.