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Audit légal et contractuel, Développement durable, Lettre d'Actualités Techniques

Rapport 2024 sur le gouvernement d’entreprise des sociétés cotées : quels axes d’améliorations ?

En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, l’AMF publie annuellement un rapport sur le gouvernement d’entreprise et les rémunérations des dirigeants des sociétés cotées, informations qui incombent à ces dernières1. Dans sa mission de revue des rapports des émetteurs, l’AMF peut formuler des recommandations en vue d’améliorer la transparence dans les informations publiées. Focus sur les points saillants.

Environnement réglementaire et de conformité

L’évolution du contenu du rapport sur le gouvernement d’entreprise des sociétés cotées sur un marché réglementé au fil des ans met en exergue les évolutions sociétales des pays européens. Ainsi, les enjeux RSE, la mixité dans les organes d’administration, le dialogue avec les actionnaires sont des sujets de plus en plus prégnants.

À noter ! Évolutions prochaines

Si en France, il existe déjà une obligation de mixité dans les conseils d’administration ou de surveillance (à hauteur de 40 % de chaque sexe), une ordonnance2 vient de compléter le dispositif pour une représentation hommes/femmes plus équilibrée. Ainsi, les sociétés cotées devront mettre en place un processus de sélection des administrateurs visant à atteindre cet objectif de 40 %. De plus, le rapport sur le gouvernement d’entreprise devra indiquer si l’entreprise respecte les règles de parité et si ce n’est pas le cas, les raisons pour lesquelles elles n’ont pu être respectées (selon le principe « comply or explain ») ainsi que les mesures mises en place pour atteindre les objectifs fixés par la loi. Les sociétés concernées devront se conformer à ces dispositions avant le 30 juin 2026.

Une autre évolution législative à signaler est celle permettant à des actionnaires, à qui a été refusé l’inscription d’un projet de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée générale, de saisir le tribunal de commerce compétent statuant selon la procédure accélérée afin d’obtenir gain de cause.3

Enfin, pour les entreprises qui se réfèrent expressément au code de gouvernance AFEP-MEDEF, le HCGE a clarifié certaines de ses recommandations4, notamment sur la stratégie climatique de l’entreprise. Ainsi, pour « la présentation de la stratégie climatique à l’assemblée générale ordinaire » (art 5.4 dudit code), il ne s’agit pas d’imposer une résolution climatique soumise au vote des actionnaires, mais simplement de présenter cette stratégie et les actions menées (point d’information), les sociétés étant libres d’aller plus loin en la matière. Si le code prévoit désormais l’instauration d’un comité spécialisé dans les sujets RSE, le guide d’application du HCGE estime que les sociétés doivent clairement définir les missions de ce comité et prévoir l’articulation avec les autres comités existants, particulièrement avec le comité d’audit.

Pour les entreprises se référant au code Middlenext qui prévoit aussi la mise en place d’un comité RSE, l’association représentative des valeurs moyennes estime que les membres de ce comité doivent être indépendants et avec des solides compétences en matière de RSE5. Les sujets qu’il convient de traiter concernent notamment la politique d’amortissements des actifs pouvant être impactés par les changements climatiques, la cartographie des risques extra-financiers, la mise en place d’un prix interne du carbone ainsi que la communication de l’entreprise pour éviter le greenwashing.

État des lieux

La revue par l’AMF des rapports du gouvernement d’entreprise est l’occasion de mettre en valeur les bons élèves et de stigmatiser ceux qui ne se conforment pas aux textes et/ou au code de gouvernance dont ils se référent.

Les bonnes pratiques…

Pour rappel, les sociétés qui font référence à un code de gouvernance tel que le code AFEP-MEDEF ont la possibilité de ne pas appliquer une recommandation sous réserve d’en expliquer la raison qui doit être étayée et adaptée à la situation particulière de l’entité. Dans un souci de transparence et de lisibilité, l’AMF recommande d’utiliser un tableau récapitulant les recommandations du code qui ne sont pas suivies, avec pour chaque point l’explication.

Exemple de bonnes pratiques

  • Proportion de membres indépendants dans le comité d’audit (§ 17.1 dudit code).
  • Explication : la proportion de 2/3 d’administrateurs indépendants n’a pu être respectée à la date d’établissement du rapport car mr X qui présidait ce comité a démissionné en début d’année. Cette situation temporaire sera régularisée dans le cadre des nominations proposées à la prochaine AG.

En ce qui concerne l’existence d’un lien de relation d’affaires entre la société et l’administrateur (§ 10.5.3 dudit code), l’AMF insiste sur la transparence nécessaire, avec une indication des critères quantitatifs et qualitatifs qui ont permis d’apprécier le caractère significatif (ou non) de la relation d’affaire. En l’absence de relation d’affaires, il convient de l’indiquer expressément.

Exemple de bonnes pratiques

  • Indication de la réunion du conseil au cours de laquelle a été procédé l’analyse des liens d’affaires couvrant l’ensemble des sociétés du groupe.
  • Les flux d’affaires sont exprimés en pourcentage afin d’apprécier le caractère significatif ou non de la relation d’affaires pour chaque administrateur.
  • Indication, pour la prise en compte des critères qualitatifs, de l’organisation décentralisée du groupe qui conduit à ce que les administrateurs concernés ne disposent pas de pouvoir décisionnel direct ou indirect sur les relations d’affaires.
  • Prise en compte d’un seuil de matérialité de 1 % du CA consolidé au-dessus duquel la relation d’affaires est présumée significative pour la société ou le groupe.

En ce qui concerne l’évaluation du conseil et de ses membres (§ 11.1 à 11.3 dudit code), selon toujours le principe « comply ou explain », si aucune évaluation a été faite, il faut pouvoir le justifier. Ainsi, une évolution de l’actionnariat et de la gouvernance de la société peut justifier temporairement l’absence d’évaluation dans la mesure où l’entreprise prend l’engagement de régulariser la situation dans un délai raisonnable.

Quant à l’évaluation de la contribution de chaque administrateur aux travaux du conseil, elle doit faire l’objet d’un compte-rendu assorti des pistes d’amélioration envisagées et d’une communication dans le rapport sur le gouvernement d’entreprise.

… Et celles à proscrire

Concernant l’indépendance des administrateurs, l’AMF considère qu’il n’est pas possible de justifier de la compétence et de l’expertise d’un administrateur pour considérer qu’il est indépendant alors que son mandat a une durée de plus de 12 ans.

Autre point abordé : le cumul de mandats dans la société mère et les entreprises dont elle détient des participations (ou entre sociétés sœurs) (§ 10.5.1 dudit code). Dans ce cadre, des entreprises mettent en exergue le fait que l’administrateur en cause ne participe pas aux décisions du conseil de la société mère en cas de conflit d’intérêts entre elle et sa filiale et par conséquent ne perd pas sa qualification d’administrateur indépendant. L’AMF estime que cette solution est insuffisante ; elle invite de ce fait le HCGE a clarifié ce point.

Un autre sujet fait l’objet de remarques de la part de l’AMF : la pratique des « rémunérations de rétention » consistant notamment à attribuer des actions sur une période relativement longue, sans condition de performance. Il ressort de l’analyse des rapports sur le gouvernement d’entreprise par l’AMF, qu’elle est souvent utilisée de façon extensive en ne respectant pas les conditions exposées par le code AFEP-MEDEF (§ 26.3.4 dudit code). Cette forme de rémunération exceptionnelle doit être utilisée avec parcimonie et ne peut rémunérer des missions inhérentes aux fonctions de dirigeant. L’AMF invite le HCGE à débattre et à éclaircir sa position sur ce sujet.

L’AMF note également la présence de « présidents d’honneur » dans plusieurs sociétés cotées, sans que leurs missions soient clairement définies. Elle observe une grande diversité tant pour le rôle alloué à ce président que pour l’information donnée au marché. S’il s’agit d’un titre purement honorifique sans incidence possible sur les décisions prises, cela ne soulève pas de remarque particulière. Mais dans les faits, des présidents d’honneur se voient attribuer la possibilité d’assister régulièrement aux réunions, voire d’obtenir une voix consultative. Cette situation soulève plusieurs interrogations sur le respect des principes de bonne gouvernance telle la déontologie applicable (le président d’honneur n’a pas forcément la qualité d’administrateur). L’AMF invite donc l’AFEP et le MEDEF à se saisir de ce sujet.

Pour conclure

Ces recommandations ainsi que les axes d’amélioration exposés ont vocation à nourrir le dialogue avec les actionnaires. Le financement des sociétés par les marchés implique une relation de confiance entre les organes de gouvernance et les investisseurs pour un marché plus efficient.

1 Art. L. 22-10-8 à L. 22-10-12 du code de commerce.

2 Ord. 2024-934 du 15 octobre 2024 portant transposition de la directive UE 2022/2381 du 23 novembre 2022 (directive dite « Women on boards »).

3 Loi 2024-537 du 13 juin 2024, art. 19.

4 HCGE, guide d’application du code AFEP-MEDEF, mars 2024.

5 Middlenext, recommandation RSE 2024, février 2024.