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Conseil et supports opérationnels, Lettre d'Actualités Techniques

Reconnaissance du chiffre d’affaires : un projet qui renait de ses cendres…

En raison de dispositions du PCG peu précises en ce qui concerne la comptabilisation du chiffre d’affaires, des propositions avaient déjà été faites en 2019 et soumises à consultation. Ce projet en gestation a été remis sur la table avec la publication par l’Autorité des normes comptables d’un projet de règlement relatif à la comptabilisation des produits des ventes de biens et de services, soumis à consultation jusqu’au 31 octobre 20241. Voici les principales orientations proposées.

Définition du chiffre d’affaires

Alors que la définition actuelle est très succincte puisqu’elle fait référence au montant des affaires réalisées par l’entité avec les tiers dans le cadre de son activité professionnelle normale et courante, le projet propose une définition plus précise. Ainsi, le chiffre d’affaires correspond au produit des ventes de biens et services, des redevances pour concessions, brevets, licences, marques, procédés, solutions informatiques, droits et valeurs similaires.

Il est aussi expressément indiqué que les cessions d’immobilisations incorporelles et corporelles qui relèvent du modèle économique de l’entité, c’est-à-dire lorsque ces cessions font partie intégrante des ventes de biens concourant à l’activité de l’entité, sont comprises dans les ventes de biens et donc à enregistrer en chiffre d’affaires. Si, en pratique, cette comptabilisation est retenue dans certains secteurs, tels que celui des loueurs de véhicules, le projet de règlement entérine ce schéma comptable. Quant aux cessions d’immobilisations ne relevant pas du modèle économique de l’entité, elles sont comptabilisées en autres produits de gestion courante.

L’autre nouveauté à signaler est que les locations mobilières et immobilières sont aussi comprises dans les ventes de services, y compris pour les immeubles non affectés à des activités professionnelles.

Fait générateur de l’enregistrement du produit issu de ventes de biens et services

Notion de délivrance

La délivrance d’un bien ou service est le transfert de ces derniers en la jouissance et la possession par le client, ce qui implique qu’il puisse en disposer librement. Lorsque l’accord entre le fournisseur et le client porte sur plusieurs biens et services, la délivrance s’apprécie pour chaque livrable défini et identifié. Afin d’identifier la date de délivrance du bien ou du service, il est nécessaire de se référer aux modalités contractuelles prévues dans l’accord.

Exemples

  • Si la référence à un Incoterms constitue un élément essentiel de l’accord, le lieu de transfert des risques, en l’absence de clause particulière sur le transfert de propriété, correspondra à la délivrance du bien. Ainsi, pour l’Incoterm FCA2, la remise au transporteur après chargement au point prévu dans le contrat sera le fait générateur de la comptabilisation du produit.

 

Focus sur les ventes composites

Il s’agit ici de savoir si l’on est en présence d’un livrable unique ou d’un groupe de biens ou services. Pour effectuer cette distinction, il est proposé de définir un livrable de la façon suivante :

  • un livrable unique identifié distinctement dans l’accord est un bien ou service dont le client peut tirer avantage indépendamment des autres biens ou services prévus par l’accord ;
  • répond à cette définition un bien ou service pour lequel l’accord ne prévoit pas un important travail d’intégration, de modification ou d’adaptation avec d’autres biens ou services prévus dans l’accord.

Exemples

  • Vente d’un équipement qui ne nécessite pas un important travail d’intégration et d’adaptation, accompagné d’un contrat de maintenance de 2 ans : l’équipement sera considéré comme un livrable distinct et la prestation de service comme un autre livrable.
  • Vente d’un logiciel de gestion client nécessitant un gros travail d’adaptation aux spécificités du client à réaliser par le fournisseur du logiciel. La facture distincte le prix du logiciel de l’installation :  il s’agit d’un livrable unique comptabilisé lors de l’achèvement de l’installation pour le montant global de la facture.

 

Notons que lorsque le contrat stipule pour chaque livrable des prix manifestement différents de ceux que l’entité pratiquerait pour une vente ou une prestation isolée ou encore par comparaison avec un prix de marché (par exemple, une extension de garantie du bien gratuite), il est nécessaire de réallouer le prix global en fonction de la valeur de chaque livrable.

Droits à réduction ou avantages liés à une vente réalisée sur une vente future

Sont visés ici tous les dispositifs incitatifs pour générer des achats futurs (carte de fidélité, bon-cadeaux, chèque-réduction à valoir sur le prochain achat). Alors que la doctrine de l’ANC3 prévoyait deux approches – provision ou produit constaté d’avance – il est envisagé de ne retenir que l’approche du produit constaté d’avance au titre des droits non encore utilisés dans la mesure où la péremption n’est pas éteinte. En effet, il est considéré que lors de la vente initiale, l’entité perçoit un montant global comprenant, d’une part, la délivrance du bien ou service, et, d’autre part, les réductions à accorder ou les biens et services à délivrer lors d’une vente future.

Opérations pour le compte de tiers

Le PCG étant actuellement assez lacunaire sur ce point, il est proposé une nouvelle rédaction du texte qui se réfère expressément au Code civil (art. 1154 c. c). Ainsi, lorsque le représentant agit dans la limite de ses pouvoirs au nom et pour le compte du tiers représenté, celui-ci est seul tenu de l’engagement contracté. Dans ce cas, les opérations sont enregistrées en compte de tiers ; seule la rémunération de l’entité pour son rôle est comptabilisée en produit lorsque la prestation de représentation est délivrée. Les opérations de mandat s’inscrivent dans ce cadre.

En revanche, lorsque le représentant agit pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom, il est seul engagé à l’égard du cocontractant. Aussi, dans ce contexte, les opérations sont inscrites en compte de résultat selon leur nature. Les commissionnaires, au sens des articles L. 132-1 et L. 132-2 du code de commerce relèvent de ce champ.

Contrat à long terme

Il n’est pas prévu de modification des dispositions relatives au contrat à long terme. Signalons toutefois que la disposition infra-réglementaire mentionnant le fait qu’un changement de modalités de détermination du pourcentage d’avancement constitue un changement d’estimation deviendrait une disposition réglementaire d’application obligatoire (art. 523-3 nouveau).

Pour conclure

Si la notion de transfert du contrôle qui figure explicitement dans la norme IFRS 15 n’est pas reprise in extenso dans ce projet de règlement, la notion de délivrance telle qu’énoncée présente des similitudes. Notons que l’élargissement de la notion de chiffre d’affaires pourrait aussi avoir des conséquences fiscales sur les impôts et taxes qui portent sur cette base, notamment lorsque l’assujettissement est lié au dépassement de seuils liés au chiffre d’affaires.

1 ANC, https://www.anc.gouv.fr/sites/anc/accueil/normes-francaises/toutes-actualites-fr-normes-fran/page_content/L-actusfr02/lignePersoColSimpletitrepage/la-actusfr/lc-actus/la-actusla-fr/consultation-publique—projet-1.html

2 Free Carrier.

3 ANC, Avis CU n° 2004-E du 13 octobre 2004 relatif à la comptabilisation des droits de réduction ou avantages en nature accordés par les entreprises à leurs clients.