Sécuriser la mise en place d’un ERP : écueils et bonnes pratiques
La mise en place d’un ERP (Enterprise Resource Planning) est une étape cruciale pour les entreprises et une initiative stratégique qui comporte de nombreux risques. Avec le lancement de solutions ERP modernes1 et la promotion généralisée des systèmes cloud par de nombreux éditeurs, il est important de connaître les pièges à éviter et d’adopter des pratiques efficaces.
Un projet ERP constitue en général un événement rare, survenant en moyenne tous les 15 à 20 ans. De ce fait, les équipes internes manquent souvent d’expérience en la matière, pouvant générer des erreurs stratégiques et opérationnelles.
Voici les principaux écueils et les solutions pour maximiser la réussite du projet.
Dimensionner l’équipe et la gouvernance du projet
La constitution de l’équipe et la gouvernance sont des facteurs déterminants dans la réussite d’un projet ERP. Une erreur fréquente est de ne pas affecter à temps plein les collaborateurs internes au projet, entraînant ainsi un manque d’engagement et des interruptions. En outre, laisser la gestion du projet uniquement à un intégrateur externe peut aboutir à une solution qui ne répond pas aux besoins spécifiques de l’entreprise.
Pour la réussite du projet, nous retiendrons ces éléments clés :
- Évaluer les besoins en ressources : il est essentiel d’estimer précisément les besoins en ressources métiers et IT dès le début du projet pour garantir la disponibilité des compétences tout au long de celui-ci.
- Recourir à des ressources métiers supplémentaires : pour pallier les absences des équipes impliquées dans le projet ou pallier le manque de compétence sur des sujets spécifiques (hors intégrateur), l’appel temporaire à l’externe est souvent nécessaire.
- Clarifier la matrice RACI (qui réalise, qui approuve, qui est consulté et qui est informé) : une matrice RACI bien définie permet de clarifier les rôles et responsabilités, facilitant ainsi la coordination et la prise de décision.
- Nommer des chefs de projet par module : chaque module de l’ERP doit être géré par un chef de projet compétent, qui sera en mesure de comprendre les contraintes techniques et de représenter les utilisateurs métiers. Celui-ci doit nécessairement avoir une expérience sur ce type de projet.
- Avoir une gouvernance interne solide : l’intégrateur ne doit pas être le seul maître à bord. Confier le projet ERP entièrement à un intégrateur est une solution pratique, mais celui-ci ne comprend pas toujours les subtilités des besoins de l’entreprise et peut privilégier une mise en œuvre standardisée. Il est essentiel de mettre en place une gouvernance de projet adaptée au contexte spécifique de l’entreprise ou du groupe, notamment dans le cadre de projets internationaux.
- Anticiper le turnover des équipes : le projet ERP s’étend parfois sur plusieurs années et le turnover de l’équipe projet est un risque majeur. Il est donc important de prévoir des doublures pour chaque rôle clé.
- Surmonter la barrière de la langue : dans un contexte international, il est nécessaire d’assurer une communication fluide entre les équipes, notamment avec les intégrateurs étrangers. Aussi, il est crucial de prévoir des sessions bilingues, de clarifier régulièrement les attentes et d’assurer la disponibilité de documents en français et en anglais, garantissant ainsi une compréhension partagée entre toutes les parties.
La planification et les jalons intermédiaires
Les projets ERP sont complexes et se précipiter pour respecter des délais trop ambitieux, voire peu réalistes est dangereux. L’une des erreurs fréquentes est de valider une phase du projet sans que celle-ci soit pleinement réalisée, et ce, afin de respecter les délais fixés.
Sur cet aspect, nous retiendrons ces éléments clés de réussite :
- Fixer une date de fin réaliste : s’il est nécessaire de fixer une date de finalisation du projet, celle-ci doit rester pragmatique et flexible pour en garantir son succès.
- Établir un plan de projet détaillé avec des jalons intermédiaires : un projet ERP doit être structuré de façon réaliste avec un suivi régulier des réalisations. Utiliser une méthodologie agile peut aider à gérer les priorités et à ajuster les livrables en fonction des aléas du projet.
- Identifier et annoncer les points de « NO-GO » : dans la conduite d’un projet ERP, la capacité à identifier et à annoncer ces points est une compétence clé pour prévenir les échecs coûteux. Il est crucial de reconnaître et de communiquer les moments où il est nécessaire de repousser ou d’ajuster le projet pour éviter ces échecs.
La mise en place d’un ERP, un projet à part
Lors de la mise en œuvre d’un projet ERP, il est impératif de ne pas multiplier les projets parallèles au risque de diluer les ressources, de perturber la concentration des équipes, et d’allonger les délais de réalisation. De plus, L’ERP ne doit pas être considéré comme une solution miracle qui comblerait toutes les défaillances organisationnelles. Le succès de l’intégration d’un ERP repose sur une organisation bien structurée en amont.
Les éléments clés pour réussir sont donc les suivants :
- Établir un comité de gouvernance dédié : ce comité aura pour rôle de surveiller les projets parallèles et prioriser les initiatives en fonction de l’avancement du projet ERP.
- Revoir les processus transactionnels avant le lancement : une revue exhaustive des processus internes avant le lancement du projet permet de standardiser les pratiques et d’identifier les inefficacités éventuelles. Une telle préparation en amont minimise les risques et optimise les gains en performance et en efficacité.
- Adapter l’ERP aux besoins réels de l’entreprise : la sélection et la gestion des modules ERP doivent refléter une ambition mesurée par la pertinence et la faisabilité. L’adoption de la solution « full integrated » n’est pas forcément nécessaire, ce qui est essentiel, c’est de choisir et de dimensionner l’ERP en fonction des besoins spécifiques et des outils existants.
Anticiper les besoins futurs de l’entreprise
Les besoins de pilotage ainsi que les projets et transformations futurs doivent être pris en compte. Négliger cette dimension prospective pourrait non seulement compromettre la cohérence des processus à long terme, mais également imposer des coûts de réadaptation supplémentaires et des ajustements continus.
Voici les éléments clés pour réussir :
- Adopter une vision prospective dès la phase de spécifications fonctionnelles : les besoins futurs de l’entreprise doivent être intégrés dès la rédaction des spécifications pour garantir la cohérence des processus à long terme.
- Intégrer les problématiques de restitution des données au fil du projet : les problématiques liées à la restitution des données (rapports de gestion / BI) doivent être adressées dès la phase de déploiement des modules pour éviter des surprises en fin de projet.
La phase Tests d’Acceptation Utilisateurs (UAT)
Les tests d’acceptation utilisateurs (UAT) sont essentiels pour s’assurer que l’ERP répond aux besoins de l’entreprise. Trop souvent, ces tests sont réalisés en urgence ou sans plan structuré, ce qui peut mener à des erreurs non détectées.
Voici les éléments clés pour réussir :
- Développer un plan de test structuré : les tests doivent couvrir tous les processus métiers critiques pour identifier les bugs et problèmes de configuration avant le déploiement.
- Prioriser les scénarios de test : se concentrer sur les flux qui représentent 80% des volumes est une approche efficace pour sécuriser la phase d’utilisation.
- Impliquer les utilisateurs finaux dès le début : ils doivent être inclus dès la conception pour garantir que le système répond à leurs attentes et faciliter la transition.
- Points de « NO-GO »: la mise en place d’un « bac à sable » (jeux de tests) efficace pour les tests d’acceptation utilisateur (UAT) repose sur l’utilisation de données représentatives et sécurisées. Il est crucial que ces données soient les plus proches possibles de la réalité opérationnelle.
La gestion des données, point clé d’un projet ERP réussi
La gestion des données est l’un des piliers fondamentaux d’un projet ERP, mais elle est souvent sous-estimée. Une mauvaise gestion des données peut retarder la mise en production et/ou entraîner des incohérences après la mise en service.
Les éléments clés pour réussir :
- Traiter la gestion des données comme un chantier à part entière : il est indispensable de revoir tous les référentiels et d’anticiper les difficultés liées à la reprise des données. Ce chantier doit être lancé en même temps que le projet ERP stricto sensu.
- Anticiper les problématiques de gouvernance des données, notamment pour les référentiels afin d’assurer la cohérence, la qualité et l’unicité des informations à travers l’ensemble des systèmes.
- Nettoyer les données dans l’ancien ERP : plutôt que de compter sur une correction des données au moment de la migration, il est plus efficace de nettoyer les données directement dans l’ancien système et ce afin de sécuriser le déploiement du nouvel ERP.
- Utiliser des outils ETL (Extract, Transform, Load) performants pour transformer vos données : la transcodification des données doit être effectuée avec des outils robustes, et non avec des outils rudimentaires comme Excel.
- Mettre en place une double imputation des données statiques : l’étape de la double imputation des données statiques à partir d’une certaine date est essentielle pour garantir l’exhaustivité des données transférées vers le nouvel ERP.
Les phases de « Go-live » et « Post-live »
Le passage en production est une étape critique. Sans un plan de suivi rigoureux, l’entreprise peut faire face à des dysfonctionnements qui affecteront l’ensemble de ses opérations. De plus, le « Go-Live » ne marque pas la fin d’un projet ERP réussi.
Les éléments clés pour réussir :
- Élaborer un plan de bascule exhaustif et le tester : ce plan doit inclure des scénarios de rollback et des plans de contingence pour gérer les imprévus.
- Mettre en place des indicateurs de performance (KPI) : un suivi régulier post « GO-Live » des performances à travers des KPIs spécifiques permet de mesurer l’efficacité du système et d’identifier rapidement les problèmes.
- Anticiper les enjeux post-projet : sur le plan organisationnel, il s’agit de prévoir les futures évolutions des processus ainsi que les éventuelles réorganisations. Sur le plan technique, il est crucial de s’assurer de la maîtrise de la solution, que la maintenance soit sous-traitée ou réalisée en interne.
L’implication des utilisateurs finaux
L’un des principaux facteurs d’échec des projets ERP est la sous-estimation de la résistance au changement des utilisateurs finaux, d’où l’intérêt qu’ils soient impliqués tout au long du projet.
Les éléments clés pour réussir :
- Traiter la résistance au changement de manière proactive : en abordant les résistances au fil du projet, on limite les risques de blocages lors du déploiement final.
- Structurer un volet de formation solide et opérationnelle : pour garantir le succès d’un projet ERP, il est essentiel de considérer la formation comme un élément central du projet afin de s’assurer que les utilisateurs acquièrent une maîtrise approfondie de l’ERP et de ses fonctionnalités. En structurant un parcours d’apprentissage évolutif, basé sur des cas d’usage concrets, les formations deviennent une expérience immersive qui permet aux utilisateurs de se projeter dans leur réalité quotidienne.
Pour conclure
La complexité d’un projet ERP repose sur trois piliers interdépendants : le paramétrage, la donnée et les utilisateurs. Les éléments clés, listés ci-avant, devraient permettre de maximiser la réussite de chacun de ces piliers. Même si le projet en cause ne coche pas toutes les cases, retenons qu’une gestion des risques efficace, équilibrant les contraintes réelles du projet avec les bonnes pratiques théoriques sont primordiales pour conduire de façon sécurisée un projet ERP. Pour l’élaboration d’une matrice des risques et son suivi régulier, le recours à des spécialistes externes, notamment AMOA ou PMO, s’avère souvent décisif.
1 Telles que SAP S/4HANA, Microsoft D365 ou SAGE X3.