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Arrêté des comptes semestriels 2024 : quels sont les enjeux ?

L’arrêté semestriel du 30 juin 2024 s’inscrit dans un contexte économique et géopolitique ayant peu évolué depuis la fin 2023. Les effets de la guerre en Ukraine continuent à peser sur l’environnement macroéconomique. L’inflation reste élevée malgré un processus de désinflation qui se poursuit et les taux d’intérêts, orientés à la baisse, sont cependant à un niveau élevé. Enfin, l’urgence climatique demeure une préoccupation majeure.

Cependant, un certain nombre de réformes et d’évolutions législatives marqueront l’arrêté du 30 juin 2024, telles que l’entrée en vigueur de l’impôt minimum mondial ou la question des congés payés acquis pendant les périodes d’arrêt de travail. Par ailleurs, de nouveaux textes IFRS entrés en vigueur au 1er janvier 2024 seront applicables dès l’arrêté du 30 juin.

Impact du dispositif Pilier 2 dans les comptes intermédiaires

En application des dispositions spécifiques de la norme IAS 34, l’impôt au titre de la période intermédiaire est calculé en appliquant au résultat avant impôt de la période intermédiaire le taux d’impôt effectif moyen pondéré attendu pour l’exercice.

La nouveauté pour l’arrêté du 30 juin 2024 concerne l’entrée en vigueur de l’impôt mondial minimum, avec la transposition de la Directive (UE) 2022/2523 du Conseil du 14 décembre 2022 – dite Directive Pilier 2 – dans le droit français et son application aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.

Pour mémoire, le dispositif Pilier 2 prévoit la mise en place d’un mécanisme visant à s’assurer que les grands groupes ayant un chiffre d’affaires consolidé égal ou supérieur à 750 millions d’euros au cours de deux des quatre derniers exercices ont un taux effectif d’imposition (TEI) minimum de 15 %dans toutes les juridictions où ils sont établis.

L’impôt complémentaire (Top-up tax) sera prélevé à travers la règle d’inclusion du revenu (RIR)1 applicable aux exercices ouverts à compter du 31/12/2023 ou, à défaut, la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (RBII)2 applicable aux exercices ouverts à compter du 31/12/2024. S’agissant de l’impôt complémentaire généré en France, il sera collecté en priorité par le mécanisme de l’impôt national complémentaire qualifié3 (QDMTT « qualified domestic minimum top-up tax »).

Mêmes si les obligations déclaratives n’interviendront que plus tard, les groupes concernés par le dispositif Pilier 2, devront dès l’arrêté du 30 juin estimer la charge d’impôt Pilier 2 sur une base annuelle et comptabiliser une quote-part de cette charge allouée à la période intermédiaire.

Seul l’impôt courant est impacté, puisqu’il n’y a pas à comptabiliser d’impôts différés au titre de l’impôt complémentaire en application des amendements à IAS 12 « Réforme fiscale internationale – Modèle de règle du Pilier 2 »4.

Les groupes devront indiquer à minima dans les annexes l’application de l’exemption temporaire obligatoire de comptabilisation des impôts différés et le montant de la charge (ou du produit) d’impôt exigible correspondant aux impôts complémentaires découlant du Pilier 2.

Il conviendra également de décrire en annexes les modalités de prise en compte de l’impôt complémentaire dans le calcul du taux effectif d’imposition pour l’établissement des comptes semestriels, notamment dans le cas de la réalisation d’une perte au 30 juin, alors qu’un bénéfice annuel est attendu, et ce, en l’absence d’un consensus actuel sur le sujet.

Congés payés – Mise en conformité avec le Droit européen

La loi DDADUE 2024 du 22 avril 2024 a mis fin à la non-conformité du droit français avec le droit européen en matière d’acquisition de congés payés. Désormais, le salarié malade acquiert des congés payés pendant son arrêt maladie, quelle que soit son origine (professionnelle ou non). Au-delà de cette mise en conformité, la loi crée de nouvelles règles relatives au report des congés ainsi que des dispositions relatives à la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi. Les nouvelles dispositions sont applicables de manière rétroactive à compter du 1er décembre 2009 pour les arrêts pour maladie non professionnelle.

L’enjeu comptable de cette loi réside essentiellement dans le traitement des arrêts de travail entre le 1er décembre 2009 et la date d’entrée en vigueur de la loi et des possibles demandes de régularisation de salariés et d’anciens salariés5. Les entreprises devront ajuster au 30 juin 2024 les évaluations effectuées au 31/12/2023, compte tenu des éventuels droits nés rétroactivement et en tenant compte des effets du report prévu par la loi. Elles doivent procéder à une évaluation du risque de réclamation des salariés partis, en tenant compte des délais de prescription.

La mise à jour de la provision selon IAS 19 reconnue au 31/12/2023 constitue un changement d’estimation conformément à IAS 8.

Amendements aux IFRS applicables au 1er janvier 2024

Trois nouveaux textes IFRS sont d’application obligatoire au 1er janvier 2024.

  • Les amendements à IAS 1 relatifs au classement courant-non courant des passifs financiers précisent que le classement non courant d’un emprunt – reposant sur le droit de différer le règlement d’un emprunt au-delà de 12 mois après la clôture – s’apprécie en tenant compte de l’existence ou non d’un droit contractuel existant/effectif en date de clôture et non de l’intention de l’entité à différer le règlement, ni des évènements intervenant postérieurement à la date de clôture.

Dans le cas particulier d’emprunts assortis de covenants, le classement n’est pas affecté par les covenants que l’entité doit respecter après la date de clôture. Seuls les covenants qui doivent être respectés à la date de clôture ou avant cette date ont une incidence sur le classement en courant ou non courant.

De nouvelles informations en annexe sont attendues au 30 juin 2024, afin de permettre aux investisseurs d’apprécier les risques de remboursement anticipé :

  • la valeur comptable des passifs non courants assortis de covenants ;
  • des informations sur les covenants (leur nature et la date à laquelle l’entreprise est tenue de les respecter) ;
  • les faits et circonstances, le cas échéant, qui indiqueraient que l’entité pourrait avoir des difficultés à respecter ces covenants.

Les amendements à IAS 7 et IFRS 7 relatifs aux opérations de financement des fournisseurs requièrent des informations complémentaires – tant quantitatives que qualitatives – sur les accords de financement des fournisseurs. Ils ont pour objectif de permettre de comprendre les effets de ces accords sur les passifs, les flux de trésorerie et l’exposition au risque de liquidité6.

Ces informations ne sont pas requises à l’arrêté du 30 juin 2024, puisqu’il y a une exemption pour la clôture des comptes intermédiaires de l’exercice de première application. Il conviendrait cependant, dans la continuité des recommandations de l’AMF pour l’arrêté des comptes 2023, pour les sociétés significativement concernées par ces montages, de communiquer au 30 juin 2024, toutes les informations qui sont déjà disponibles et qui permettront d’avoir une meilleure compréhension des impacts de ces montages, notamment en cas de signature de nouveaux contrats.

Il conviendrait également d’anticiper et de mettre en place les processus qui permettront de collecter les informations nécessaires pour l’arrêté du 31/12/2024, notamment pour les informations compliquées à obtenir comme le montant des dettes pour lesquelles les fournisseurs ont déjà reçu un paiement.

Les amendements à IFRS 16 relatifs aux traitement des dettes locatives issues d’une transaction de cession-bail, précisent qu’un vendeur-preneur est tenu d’évaluer ultérieurement les dettes locatives découlant d’une cession-bail, de telle sorte qu’aucun gain ou perte n’est comptabilisé correspondant à la quote-part de l’actif conservé sous forme de droit d’utilisation (ce qui, en pratique, autorise à inclure des paiements variables qui ne dépendent pas d’un indice ou d’un taux dans l’évaluation ultérieure de la dette de location).

Les amendements s’appliquent rétrospectivement à toutes les transactions de cession-bail conclues après la date de première application de la norme IFRS 16 (soit, dans la plupart des cas : le 1er janvier 2019).

Pour conclure

Si l’actualité IFRS n’est pas trop fournie pour l’arrêté semestriel, les projets actuels (notamment le traitement des PPA) devraient nourrir la réflexion pour l’avenir. La nouvelle norme IFRS 18, qui entrera en vigueur en 2027, quant à elle, engendrera des modifications significatives sur la présentation du compte de résultat.

1 Selon la RIR, l’impôt complémentaire est à la charge de l’entité mère ultime du groupe au titre des juridictions pour lesquelles le taux effectif d’imposition est inférieur au taux d’imposition minimum de 15%. 

2 La RBII est un filet de sécurité pour garantir une imposition minimale effective des bénéfices réalisés dans chaque Etat, notamment lorsque la législation de l’État de résidence de l’entité mère ultime du groupe ne prévoit pas l’application de la RIR.

3 La RBII est un filet de sécurité pour garantir une imposition minimale effective des bénéfices réalisés dans chaque Etat, notamment lorsque la législation de l’État de résidence de l’entité mère ultime du groupe ne prévoit pas l’application de la RIR.

4 Article de référence : Sur ce point, voir l’article de Loriane Rapinat dans notre lettre d’actualités techniques n° 52.

5 Article de référence : Sur ce point, voir l’article de Véronique Collard dans cette lettre.

6 Article de référence : voir l’article de Loriane Rapinat et Jérémy Saraga dans notre lettre d’actualités techniques n° 54.