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Conseil et supports opérationnels, Lettre d'Actualités Techniques

Mise en œuvre des IFRS : derniers enseignements de la base de décisions de l’EECS

Comme elle le fait régulièrement, l’ESMA a publié en mars dernier un extrait des décisions de régulateurs issues de la base de données de l’EECS1 (European Enforcers Coordination Sessions). Bien que les sociétés cotées européennes sur un marché réglementé publient leurs comptes selon le référentiel IFRS depuis 18 ans, force est de constater qu’il n’est pas toujours appliqué correctement, particulièrement au regard de l’information fournie, à en juger par les décisions que nous avons sélectionnées.

Informations sur les risques climatiques liés aux impairment tests (décision EECS/0123-07)

Le cadre :

L’émetteur gère des aéroports sur plusieurs sites dont les activités sont fortement exposées au changement climatique en raison d’importantes émissions de CO2. Aussi, l’émetteur a inclus des informations détaillées sur la manière dont le changement climatique affecte ses activités ainsi que sur ses engagements avec des objectifs chiffrés. Lors de l’examen des états financiers par le régulateur, et plus particulièrement des informations sur les tests de dépréciation, il est constaté que l’émetteur ne fait pas référence aux impacts financiers liés à ses engagements de réduction de CO2. Or, sur demande, l’émetteur confirme que les engagements de réduction de CO2 sont pris en compte lors des tests de dépréciation des actifs non financiers.

L’appréciation du régulateur :

Pour évaluer l’importance des informations manquantes, le régulateur a pris en compte des facteurs qualitatifs et quantitatifs tels que le montant du goodwill et des actifs incorporels ayant une durée de vie indéfinie (significatif dans les états financiers de l’émetteur), l’exposition élevée de l’émetteur aux risques climatiques et le manque d’homogénéité et de cohérence entre les engagements mentionnés dans le rapport de gestion et les informations fournies dans les états  financiers. L’autorité de contrôle en conclut que l’information fournie ne répond pas aux exigences des IFRS. En particulier, elle considère que les informations fournies sur les hypothèses utilisées dans les tests de dépréciation n’étaient pas suffisantes pour permettre de comprendre si et comment les engagements de réduction des émissions de CO2 et le changement climatique ont été pris en compte dans la détermination de la valeur d’utilité des unités génératrices de trésorerie.

Aussi, l’autorité de contrôle a exigé de l’émetteur qu’il précise que les coûts des engagements en matière d’émissions de carbone sont pris en compte dans ses projections de flux de trésorerie disponibles, car ils ne sont pas considérés comme liés à une restructuration future et n’amélioreront pas la performance de l’actif. Elle a également demandé de donner des explications supplémentaires sur la modification de l’hypothèse de trafic aéroportuaire (notamment sur les sources externes utilisées), ainsi que sur l’impact attendu de la transition environnementale sur la performance de l’actif.

 A retenir !

Risques climatiques : ne pas oublier de mentionner les impacts financiers liés aux engagements de réduction de COque l’entreprise a publiés.

Information sur les paiements de loyers (EECS/0123-05)

Le cadre :

L’émetteur exerce dans le secteur du commerce de détail et exploite plus de 300 magasins. Les actifs liés au droit d’utilisation (contrats de location) représentent environ 30 % du total des actifs. La plupart de ces contrats comprennent des clauses selon lesquelles l’émetteur doit payer une contrepartie variable significative si le chiffre d’affaires annuel d’un magasin dépasse un seuil prédéterminé. De ce fait, il est fortement exposé aux paiements variables.

Pendant la pandémie de Covid-19, l’émetteur a pu négocier des concessions de loyers avec ses bailleurs. Dans ses états financiers annuels, l’émetteur a donc fourni des informations narratives concernant les concessions de loyer et le fait qu’il a appliqué les exemptions prescrites au paragraphe 6 de la norme IFRS 16 (pour les contrats à court terme ou dont l’actif sous-jacent est de faible valeur).

L’appréciation du régulateur :

Au regard des caractéristiques des loyers, l’autorité de contrôle a conclu que l’émetteur aurait dû fournir une ventilation des paiements de location dans les notes aux états financiers, en indiquant séparément les paiements variables, les paiements pour les baux à court terme, et ceux pour les baux de faible valeur, ainsi que les concessions de loyer obtenus. Ainsi, le régulateur confirme la nécessité de fournir des informations ventilées afin de permettre aux investisseurs de comprendre les montants significatifs comptabilisés dans le compte de résultat et d’estimer les flux de trésorerie futurs liés aux contrats de location.

À ce titre, il rappelle qu’un preneur doit indiquer les montants suivants pour la période de référence (IFRS 16, § 53) :

  • la charge relative aux contrats de location à court terme comptabilisés en application du paragraphe 6 de la norme ;
  • la charge relative aux contrats de location d’actifs de faible valeur comptabilisée en appliquant le paragraphe 6 d’IFRS 16, sachant qu’elle ne doit pas inclure la charge relative aux contrats de location à court terme d’actifs de faible valeur déjà incluse ci-avant ;
  • la charge relative aux paiements variables au titre de la location qui n’est pas incluse dans l’évaluation des passifs de location.

En outre, le preneur doit fournir des informations supplémentaires qualitatives et quantitatives (IFRS 16, § 59) qui aident les utilisateurs des états financiers à évaluer les sorties de trésorerie futures auxquelles le preneur est potentiellement exposé et qui ne sont pas reflétées dans l’évaluation des passifs de location, notamment celles relatives à l’exposition découlant de paiements de loyers variables.

Enfin, l’émetteur doit également indiquer séparément le montant comptabilisé en résultat pour la période de reporting afin de refléter les variations des paiements au titre de la location qui résultent de concessions locatives au titre des contrats de location qui n’ont pas été activés (IFRS 16, 60A).

 A retenir !

Ne pas oublier que l’information relative aux contrats de location englobe aussi celle concernant les contrats à court terme et/ou dont le sous-jacent est de faible valeur qui n’ont pas été activés.

Information sur les secteurs opérationnels (décision EECS/0123-02)

Le cadre : 

L’émetteur est une entreprise de confiserie. Ses produits sont divisés en deux catégories. Dans sa note sur l’information sectorielle, l’émetteur a identifié cinq secteurs d’activité : « Pays A », « Pays B+C », « Pays D », « Pays E+F » et « Pays G & International ». Dans son rapport annuel 2019, l’émetteur a regroupé les cinq secteurs opérationnels en un seul secteur et n’a donc pas fourni d’informations séparées sur chaque secteur. Pour justifier cette position, il s’est appuyé uniquement sur les critères qualitatifs (IFRS 8, § 12, points a à e), en prenant en compte les considérations suivantes :

  • la nature des produits de confiserie de sucre et de chocolat, de pastilles, de fruits à coque et de chewing-gum est similaire dans la mesure où ce sont des en-cas froids peu coûteux entre les repas principaux ;
  • la nature du processus de production est similaire et géré de manière centralisée, ce qui facilite la concentration des installations de production et la réalisation d’économies d’échelle ;
  • les types de clients des produits sont similaires, la segmentation traditionnelle du marché en fonction de l’âge, du sexe, du revenu, etc. est peu pertinente pour le positionnement de la marque sur le marché de la confiserie ;
  • sur tous les principaux marchés, l’émetteur dispose de sa propre organisation de vente et de distribution et l’environnement réglementaire pour les denrées alimentaires est comparable sur tous les marchés de l’émetteur.

L’appréciation du régulateur :

Conformément à IFRS 8, il convient de prendre en compte des critères qualitatifs mais aussi quantitatifs pour distinguer les différents secteurs opérationnels. À ce titre, le régulateur relève que la marge brute moyenne à long terme de chaque secteur d’activité diffère d’environ 20 %, la marge EBIT d’environ 15 % et le volume des ventes nettes d’environ 115 millions d’euros.

Aussi, il a considéré que l’émetteur aurait dû aussi procéder à l’évaluation des caractéristiques économiques des segments opérationnels. C’est pourquoi, il a conclu que le regroupement des secteurs opérationnels effectué par l’émetteur ne répondait pas aux exigences de la norme IFRS 8 et a exigé qu’il présente plusieurs secteurs opérationnels dans sa note d’information sectorielle.

 A retenir !

La décomposition du chiffre d’affaires par secteur opérationnel et l’information qui en découle doivent procéder d’une analyse cumulative des critères quantitatifs et qualitatifs fixés par IFRS 8.

Pour conclure

Les décisions commentées mettent en exergue la nécessité, pour les émetteurs, de soigner l’information dans les notes annexes et de se conformer à toutes les exigences des normes IFRS.

1 ESMA, 27th Extract from the EECS’s Database of Enforcement, 29 mars 2013.