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ESEF : l’étape de macro-balisage des annexes 2022 s’avère compliquée !

L’ESMA a publié le 24 août une mise à jour de « l’ESEF Reporting Manual », précisant ses exigences sur la nouvelle obligation de macro-balisage des annexes pour la digitalisation des états financiers des sociétés cotées, à valoir pour les rapports publiés en 2023.

Rappel des obligations

Les états financiers annuels doivent désormais être publiés au format électronique unique européen (ESEF, « European Single Electronic Format ») pour toutes les sociétés cotées sur un marché réglementé en Europe1. Ce nouveau format a notamment pour objectifs d’améliorer l’accessibilité et la comparabilité des états financiers et de renforcer la transparence des marchés de capitaux de l’Union européenne. Si un tiers environ des émetteurs français avaient opté pour le format ESEF dès 2021, seul le dépôt digitalisé ESEF est admis pour les exercices débutés à partir du 1er janvier 2022.

Il s’agit – pour les documents d’enregistrement universel (DEU) faisant office de rapport financier au sens de la Directive Transparence et les rapports financiers annuels (RFA) – d’utiliser le format web xHTML2 avec, pour les états financiers consolidés en IFRS, des balises (« tags ») XBRL incorporées.

Cette obligation de balisage ne concernait jusqu’à présent que les cinq états primaires des comptes consolidés en IFRS (comptes de résultat net et global, bilan, tableau de variations des capitaux propres et tableau de flux de trésorerie). Une nouvelle obligation règlementaire est introduite pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022 : le « macro-balisage » (ou « block tagging ») des notes annexes aux états financiers consolidés IFRS.

Les difficultés de mise en œuvre du macro-balisage 

La particularité du macro-balisage consiste en un étiquetage par zone : il ne s’agit pas d’étiqueter chaque chiffre présent dans les annexes, mais d’identifier la ou les sections du texte relatives à une balise de note. Le règlement comporte une liste de 252 balises à utiliser obligatoirement si la thématique est évoquée dans le rapport, mais la taxonomie (le dictionnaire) publiée par l’IASB pour la digitalisation des états financiers comporte un vocabulaire plus riche.

La mise en œuvre pose de nombreuses questions, notamment quant à la granularité d’analyse à retenir (une annexe sur les immobilisations corporelles affichant les dépréciations doit-elle aussi être balisée comme faisant partie de l’annexe des dépréciations ?) mais aussi sur l’utilisation potentielle d’extensions (faut-il prévoir une balise personnalisée quand la thématique évoquée n’a pas d’équivalence dans le dictionnaire, ou le macro-balisage doit-il privilégier l’utilisation d’une balise plus « macro » ?).

Les émetteurs français ont étudié ces questions depuis plus d’un an, dans un groupe de travail au sein de l’association XBRL France3, co-présidé par BM&A. Des propositions de pratiques communes pour le macro-balisage ont été établies et accueillies favorablement par l’AMF : se concentrer sur la macro-balise la plus pertinente, dans une analyse à la « granularité de rédaction », c’est-à-dire en prenant en compte la couche visuelle de présentation des annexes.

L’approche de l’ESMA

Dans sa mise à jour du manuel de reporting ESEF publiée le 24 août 2022, l’ESMA a tardivement exprimé sa propre interprétation. La granularité à retenir correspond à celle envisagée mais, à l’opposé des préconisations des émetteurs et experts XBRL, l’ESMA opte pour le multi-balisage (« multi-tagging »). Cela consiste à appliquer, sur une même section, tous les tags concernés. La taxonomie présente en effet plusieurs macro-balises pour une même notion comptable, et l’ESMA – dans une lecture sans doute plus juridique que pratique du règlement – requiert une superposition de celles-ci lors du balisage.

On peut regretter que l’approche de l’ESMA ne corresponde pas à l’esprit de la technologie XBRL : les relations sémantiques entre balises sont de préférence exprimées dans la taxonomie, qui joue le rôle de dictionnaire et de grammaire, plutôt que répétées à chaque utilisation dans le rapport. Certains évoquent déjà un possible revirement de l’ESMA dans une prochaine mise à jour du manuel. Néanmoins, des travaux de place ont débuté dès septembre pour établir une hiérarchie d’imbrication des balises, ou du moins un socle minimal partagé par les émetteurs et auditeurs, pour faciliter une mise en œuvre conforme à l’interprétation du régulateur européen, sans trop alourdir les travaux ni le temps de chargement du rapport balisé. Les illustrations données par l’ESMA peuvent en effet mener, avec un peu de zèle, à un nombre élevé d’imbrications, compliqué à gérer pour les outils et difficile à cerner pour les lecteurs !

Outre des précisions techniques utiles aux éditeurs, deux autres apports sont à noter dans la mise à jour du manuel de reporting. D’abord, seule la version du rapport annuel préparée au format ESEF est officielle, et il est désormais formellement requis de mentionner sur toute autre publication qu’il s’agit d’une reproduction. Ensuite, l’ESMA a procédé à une reformulation des règles de validation ESEF, visant à ne plus générer d’erreur en l’absence de balises obligatoires lorsqu’il n’y a pas mention dans le rapport de la thématique correspondante.

Point clé : la recherche de la pertinence du balisage

BM&A, qui accompagne de nombreux émetteurs français et européens dans leurs travaux préparatoires, préconise de rechercher dans tous les cas les balises les plus pertinentes, la hiérarchie standard permettant ensuite de générer les différentes couches demandées par l’ESMA. L’AMF ayant laissé entendre qu’aucune action ne serait portée à l’encontre des émetteurs qui appliqueraient une interprétation sans multi-balisage systématique, il s’agit d’offrir une solution pragmatique face aux attendus de l’ESMA, tout en restant concentré sur le point utile de l’exercice : le découpage des annexes en paragraphes cohérents à baliser. Notre intervention mutualisée permet aussi d’arbitrer plus facilement sur le recours aux extensions, intéressantes quand d’autres émetteurs en définissent aussi, et sur l’usage parfois avisé des macro-balises IFRS non obligatoires.

Pour conclure

La solution retenue par l’ESMA pour le macro-balisage ESEF des annexes soulève de nombreuses questions relatives à la lourdeur de mise en œuvre, alors que certains émetteurs doutent de l’utilité de l’exercice, les analystes n’étant pas encore nombreux à tirer profit du format digital. Il faut donc rester pragmatique et promouvoir les pratiques les plus efficaces pour tous, en gardant en tête l’objectif annoncé de normalisation et de digitalisation de l’information extra-financière, ce qui donnera du sens à l’ensemble de la démarche.

1 L’ESEF s’applique à tous les émetteurs soumis à la directive Transparence (Directive 2004/109/CE) révisée par la Directive 2013/50/UE. Le texte de référence pour l’ESEF est le règlement délégué (UE) 2019/815, modifié par le règlement délégué (UE) 2022/352 de la Commission en ce qui concerne la mise à jour de la taxonomie, incluant la norme technique réglementaire (Regulatory Technical Standards – RTS) qui vient préciser et délimiter ce qui est obligatoire et ce qui est interdit en matière de balisage.

2 À noter : les rapports financiers semestriels (RFS) et les prospectus d’introduction en bourse ne sont pas soumis à cette nouvelle obligation.

3 Les informations sur ce groupe de travail sont disponibles ICI