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Audit légal et contractuel, Lettre d'Actualités Techniques

Droit des actionnaires :  finalisation de la transposition de la réforme européenne

Après la loi 2021-1308 d’octobre 2021 transposant la directive « Droit des actionnaires »1, un décret de juin dernier2 vient de finaliser les dispositions prises en vue de favoriser l’exercice des droits des actionnaires et de faciliter la transmission des informations auxquelles ils ont droit. Ces dispositions sont applicables depuis le 17 juin 2022 et reprennent pour l’essentiel les modalités prescrites par le règlement européen d’exécution1.

Identification des actionnaires

En présence d’une multitude d’actionnaires et d’un marché actif sur des titres, il est parfois difficile d’avoir une connaissance parfaite de l’identité des actionnaires d’une société cotée à un instant T. Aussi, à la demande des émetteurs, les intermédiaires financiers (ceux visés à l’article L. 228-2 du Code de commerce, tels qu’un dépositaire central ou une société de gestion) doivent fournir certaines informations dans un lapse de temps très court que fixe le décret précité.

Ces informations portent notamment sur le numéro d’enregistrement national unique des personnes morales ou physiques, leurs noms, leurs coordonnées postales, leurs adresses électroniques, le type et le nombre d’actions détenues, le nom du tiers désigné par l’actionnaire pour les décisions d’investissement. Quant au délai de réponse, l’intermédiaire doit fournir les informations demandées au plus tard à la clôture du jour ouvrable de réception de la demande (le lendemain si l’intermédiaire reçoit la demande après 16 h). Enfin, la transmission des informations est effectuée selon un format électronique formalisé défini par le règlement d’exécution précité.

À noter :

Cette obligation d’information pèse aussi sur les intermédiaires de pays tiers dès lors qu’ils fournissent des services relatifs à des actions de sociétés européennes cotées sur un marché réglementé d’un État membre de l’UE.

Transmission des informations

Afin d’éviter des ruptures dans la chaîne d’informations entre la société, les actionnaires et les intermédiaires gérant les titres, il est prévu, à tous ces niveaux, des obligations spécifiques en la matière.

En ce qui concerne la transmission des informations par les émetteurs, diffusées dans la langue de publication de leurs informations financières (ou dans une langue communément utilisée dans la finance internationale), elle doit être faite aux intermédiaires gérant les titres (lorsque l’information n’a pas été directement envoyée à l’actionnaire) selon les modalités suivantes :

  • concernant les convocations à l’assemblée générale, lorsque les éléments sont disponibles sur le site Internet de la société, la convocation peut se contenter de ne faire figurer que certaines informations (informations sur l’émetteur, sur l’assemblée générale – date, heure, lieu – si l’hyperlien URL donnant accès aux informations complémentaires (modalités de participation, ordre du jour ) est mentionné dans la convocation ;
  • en dehors des éléments liés aux assemblées générales, les émetteurs doivent transmettre les informations essentielles concernant un événement d’entreprise dès que possible aux intermédiaires afin que l’actionnaire puisse exercer ses droits, et plus généralement que les acteurs du marché puissent réagir face à cet événement. La notification de tels événements doit s’effectuer au plus tard le même jour ouvrable que celui où est annoncé l’événement en vertu du droit applicable.

Dans le cadre de cette réforme, il est clair que les intermédiaires financiers jouent un rôle accru dans la transmission, auprès des actionnaires, des informations obtenues de la part des émetteurs. Ainsi, il est expressément précisé que ceux-ci doivent transmettre aux porteurs de titres concernés ces informations au plus tard à la clôture du jour ouvrable où ils les ont reçues (le lendemain si l’intermédiaire reçoit la demande après 16 h).

À noter :

En présence de chaîne d’intermédiaires, ce délai qui s’impose à chaque intermédiaire, peut conduire de fait à un allongement de la transmission de l’information à l’actionnaire.

Un autre volet des obligations pesant sur les intermédiaires financiers concerne la transmission aux émetteurs des instructions reçues des actionnaires selon un processus permettant de respecter le délai de l’émetteur ou la date d’enregistrement de l’opération.

À ce titre, signalons que la commission des sanctions de l’AMF n’a pas hésité à sanctionner la filiale d’un grand groupe bancaire (SAN-2020-12 du 25 novembre 2020), au titre des incidents survenus sur le traitement des instructions de vote de ses clients actionnaires au porteur lié à une insuffisance de son dispositif de reporting et de contrôle interne.

Exercice du droit de vote

Afin de s’assurer de la prise en compte des décisions de vote des actionnaires, il est prévu un système de double confirmation de vote :

  • une première confirmation de la réception des votes exprimés par voie électronique, communiquée à l’actionnaire immédiatement après l’émission des votes ;
  • une deuxième confirmation de l’enregistrement et de la prise en compte des votes, au plus tard 15 jours après la tenue de l’assemblée générale.

Pour conclure

En général, les petits porteurs sont peu enclins à participer aux assemblées des grands émetteurs : puissions-nous espérer que ces nouvelles dispositions les aident à exercer leurs droits de vote et leur permettent d’accéder à une meilleure connaissance de la société dont ils détiennent les titres grâce à un accès plus fluide aux informations des sociétés cotées.

1 Directive UE 2017/828 du 17 mai 2017 ; règlement d’exécution CE 2018/1212 du 3 septembre 2018.

2 Décret 2022-888 du 14 juin 2022.