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En marche pour le rapport de durabilité des entreprises françaises !

L’obligation faite aux entreprises de publier des informations environnementales, sociales et de gouvernance dans un rapport de durabilité est désormais actée dans notre droit national puisque la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD)1 vient d’être transposée par voie d’ordonnance2 en France . Focus sur les éléments clés liés à l’établissement de ce document.

Quelles sont les entreprises concernées ?

La directive vise toutes les sociétés sous forme commerciale (incluant en France notamment les SAS) et les établissements de crédit et les entreprises d’assurance (incluant en France, par exemple, les mutuelles d’assurance du livre II, les institutions de prévoyance, les sociétés d’assurance mutuelle).

À noter

Les OPCVM et les FIA sont eux exclus du champ d’application de la nouvelle réglementation.

Certaines entreprises qui n’étaient pas dans l’obligation de publier une déclaration de performance extra-financière (DPEF) seront donc maintenant soumises à la CSRD.

Quel est le calendrier d’application et les seuils applicables aux entreprises ?

Le calendrier d’application est échelonné dans le temps, les premières entreprises concernées devront publier leur rapport de durabilité en 2025. Les seuils applicables aux entreprises sont les suivants.

  • Pour les exercices ouverts au 1er janvier 2024 (publication 2025 sur les données 2024) : les EIP cotées sur un marché réglementé comportant plus de 500 salariés, avec soit un chiffre d’affaires de plus de 40M€ soit un total bilan de plus de 20M€ ;
  • Pour les exercices ouverts au 1er janvier 2025 (publication 2026 sur les données 2025) : les grandes entreprises dépassant 2 des 3 seuils suivants : plus de 250 salariés, un chiffre d’affaires supérieur à 40M€, un total bilan supérieur à 20M€.
  • Pour les exercices ouverts au 1er janvier 2026 (publication 2027 sur les données 2026) : les PME cotées, les établissements de crédit de petite taille et non complexes et les entreprises captives d’assurance.
  • Pour les exercices ouverts au 1er janvier 2028 (publication 2029 sur les données 2028) : certaines entreprises non européennes.
  • En ce qui concerne les seuils applicables aux groupes consolidés, ils sont respectivement de 40M€ pour le chiffre d’affaires, 24M€ pour le total du bilan et 250 pour le nombre de salariés.

À noter

Les seuils mentionnés sont ceux qui viennent d’être fixés par le décret 2023-1394 du 30 décembre 2023.

Concernant les PME non cotées, elles pourront publier un rapport de durabilité de manière volontaire. Pour les aider dans cette démarche, l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) élabore une norme spécifique.

Des exemptions de publication seront-elles possibles ?

Les PME cotées bénéficient d’allègements pour le contenu de leur rapport de durabilité. Elles auront également la possibilité de reporter de deux ans leur obligation de publication. En ce qui concerne l’exemption de publication du rapport de durabilité, elle s’applique aux filiales, et le cas échéant les sociétés qu’elles contrôlent, lorsqu’elles sont incluses dans les informations de durabilité de la mère consolidante, sauf si elle est elle-même une grande entreprise ou la consolidante d’un grand groupe dont les titres sont cotés sur un marché réglementé.

D’autres exemptions sont aussi possibles pour une filiale dont la société mère ne fait pas partie de l’Union européenne :

  • la filiale française pourra être exemptée de l’obligation d’établir un rapport de durabilité si elle est intégrée dans la consolidation « artificielle » réalisée par une autre filiale européenne détenue par la même société mère ne faisant pas partie de l’UE. Cette possibilité s’appliquera aux rapports afférents aux exercices ouverts avant le 7 janvier 2030 ;
  • la filiale pourra être exemptée si ses informations de durabilité sont incluses dans le rapport de durabilité consolidé de la société mère qui devra être établi conformément aux European Sustainability Reporting Standards (ESRS). Toutefois, si les informations de la filiale relatives à la taxonomie ne sont pas incluses dans le rapport de durabilité consolidé, la filiale exemptée devra le faire dans son propre rapport de gestion.

Quel sera le contenu du rapport de durabilité ?

Comme le prévoit la CSRD, l’ordonnance de transposition précise que les informations de durabilité devront faire l’objet d’une section distincte dans le rapport de gestion. Le rapport de durabilité devra donc être établi dans les mêmes délais légaux que ceux prévus pour le rapport de gestion.

Quant au contenu du rapport de durabilité, l’ordonnance renvoie directement aux normes ESRS3, qui sont d’application directe pour les États membres. Toutefois, le nouvel article R. 232-8-4 du code de commerce précise ce qui est attendu en fixant une liste d’information générique à fournir.

Néanmoins, certaines informations prévues pour les sociétés cotées sur un marché réglementé et incluses actuellement dans la DPEF, sont conservées mais devront être fournies dans le rapport de gestion, et non dans le rapport de durabilité. Il s’agit de l’information relative aux incidences des activités de la société quant à la lutte contre l’évasion fiscale et aux actions visant à promouvoir le lien Nation-Armée et à soutenir l’engagement dans les réserves.

À l’inverse, certaines informations qui devront être publiées dans le rapport de durabilité ont été supprimées du rapport de gestion, comme les informations relatives aux risques financiers liés aux effets du changement climatique et aux mesures prises par l’entreprise pour les réduire en mettant en œuvre une stratégie bas-carbone.

L’ordonnance prévoit aussi la possibilité, et dans des cas exceptionnels, d’omettre dans le rapport de durabilité les informations portant sur des évolutions imminentes ou des affaires en cours de négociation lorsque leur publication nuirait gravement à la position commerciale de la société, selon l’avis dûment motivé du conseil d’administration et à condition que cette omission ne fasse pas obstacle à la compréhension juste et équilibrée de l’évolution des affaires de la société, de ses résultats, de sa situation et des incidences de ses activités.

À noter

Les sociétés soumises à l’obligation de publier un rapport de durabilité devront établir leur rapport de gestion dans le format d’information électronique4 et baliser les informations de durabilité y compris les informations exigées par le règlement Taxonomie. Aucune exemption n’est prévue sur ce point.

Ce format permettra la consultation des rapports de gestion sur la future plateforme européenne European Single Access Point (ESAP) destinée à centraliser les informations financières et de durabilité rendues publiques par les entreprises européennes.

Quelles seront les sanctions en cas de non-respect de la réglementation ?

Les sanctions sont les mêmes que celles relatives à la DPEF, notamment en matière de sanctions pénales pour absence de rapport de durabilité ou publication d’informations erronées ou incomplètes dans ce rapport.

Notons que l’ordonnance apporte des modifications à la procédure d’injonction actuellement prévue pour la DPEF. Désormais, toute personne (et non plus « toute personne intéressée ») qui n’aura pu obtenir la communication du rapport de durabilité pourra demander au président du tribunal statuant en référé d’enjoindre sous astreinte à la personne ou à l’organe compétent de le communiquer. Il sera également possible de demander au président du tribunal la désignation d’un mandataire chargé de procéder à cette communication.

Quant aux sanctions liées à l’absence de vérification du rapport de durabilité et de nomination d’un auditeur de durabilité, il est prévu une peine d’emprisonnement de deux ans et une amende de 30 000 € pour les dirigeants fautifs. Ces peines sont également applicables en l’absence de convocation de l’auditeur de durabilité à toute assemblée générale.

L’audit du rapport de durabilité

Qui peut effectuer l’audit du rapport de durabilité ?

Il peut s’agir d’un organisme tiers indépendant (OTI) : personne morale accréditée par le Cofrac et inscrite sur la liste des personnes morales titulaires de l’accréditation, tenue par la H2A (Haute Autorité de l’Audit, anciennement H3C). Dans ce cadre, ce sont les personnes physiques, associées, actionnaires, dirigeantes, salariées d’un OTI qui seront habilitées à auditer ce rapport, dans la mesure où ils seront inscrits sur la liste tenue par le H2A. 

Il peut s’agir également d’un commissaire aux comptes, qui devra aussi être inscrit sur la liste tenue par le H2A précitée. Pour pouvoir être inscrit sur cette liste, il doit suivre une formation spécifique. Les commissaires aux comptes inscrits avant le 1er janvier 2026 bénéficient d’une « clause de grand-père » de telle sorte qu’avec une formation homologuée par le H2A de 90 heures dans le domaine de la durabilité leur permet de pouvoir auditer le rapport de durabilité. Pour ceux inscrits postérieurement à cette date, il leur faudra suivre un stage de 8 mois chez un professionnel habilité à effectuer ce type de mission et réussir à une épreuve écrite dans ce domaine.

À noter

Dans la limite de 30 heures, la mission de vérification de DPEF permet d’imputer, sur son obligation de formation en matière de durabilité, des heures (arrêté du 28 décembre 2023).

La possibilité d’avoir deux auditeurs du rapport de durabilité est actée, mais n’est pas obligatoire. Enfin, les auditeurs des OTI sont soumis aux mêmes règles de déontologie que les commissaires aux comptes.

Quel niveau d’assurance pour l’audit du rapport de durabilité ?

Pour l’instant, il s’agit d’une assurance limitée (à la différence d’une assurance raisonnable pour le rapport de certification des comptes). Le rapport de l’auditeur prend la forme d’un avis sur :

  • la conformité de l’information en matière de durabilité avec les exigences posées par la directive comptable modifiée par la CSRD et celles des normes ESRS ;
  • la conformité du processus mis en œuvre par l’entreprise pour déterminer les informations publiées conformément à ces normes ;
  • la conformité avec l’exigence de balisage de l’information selon le format ESEF, ainsi que sur le respect des exigences de publication d’informations prévues à l’article 8 du règlement Taxonomie5 (part durable du CA, de CAPEX et d’OPEX).

En outre, en présence d’un CSE, l’auditeur s’assure que l’obligation de consultation du CSE a été respectée (art. L. 2312-17 du code du travail ; art. L. 822-24 du code de commerce).

Concernant les modalités de mise en œuvre de cette mission et dans l’attente de l’adoption de normes de vérification par la Commission européenne, le H2A a émis un avis technique6 auquel il convient de se référer, sachant qu’il s’agit plus d’un guide qui a vocation à évoluer au fil du temps.

Quelle durée de mandat ?

Sauf dispositions transitoires pour le premier mandat, l’auditeur est nommé pour une durée de six exercices.

Pour conclure

Une nouvelle étape vient d’être franchie, avec la transposition de la CSRD en France. L’audit de durabilité est un nouveau marché que les commissaires aux comptes doivent prendre en compte dans l’évolution de leur profession, ce qui suppose un effort de formation important, aussi bien à titre personnel que pour les collaborateurs des cabinets d’audit.

Directive (UE) 2022/2464 du parlement européen et du conseil du 14 décembre 2022.

 2 Ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales.

3 Règlement délégué (UE) 2023/2772 de la Commission du 31 juillet 2023 complétant la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les normes d’information en matière de durabilité.

4 Précisé à l’article 3 du règlement délégué (UE) 2019/815 de la Commission européenne.

5 Règlement (UE) 2020/852 du parlement européen et du conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.

6 H2A, avis technique sur la mission d’assurance limitée sur l’information en matière de durabilité.