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Conseil et supports opérationnels, Lettre d'Actualités Techniques

Le régime de l’assujetti unique à la TVA : un dispositif entre opportunités fiscales et mise en œuvre complexe

Depuis le 1er janvier 2023, les groupes peuvent opter pour le régime optionnel de l’assujetti unique. Ce dispositif bien qu’intéressant au regard des opérations internes, doit cependant être pensé comme un véritable projet dans sa mise en œuvre en intégrant les impacts comptables, fiscaux, organisationnels et applicatifs. Après un an de mise en place, les retours sont partagés.

Le régime de l’assujetti unique, rappel du dispositif

Le régime de l’assujetti unique (AU) à la TVA a déjà été adopté par un certain nombre de groupes en France, principalement dans les secteurs bancaire et assurantiel pour lesquels les rémanences de TVA peuvent être importantes.

Pour rappel, ce dispositif permet à des personnes morales assujetties à la TVA, établies en France et liées entre elles sur les plans financiers, économiques et organisationnels, de constituer un assujetti unique. L’option couvre obligatoirement une période de trois années civiles durant laquelle, le périmètre de l’assujetti unique ne peut être modifié sauf quelques exceptions précisées dans les textes.

L’adhésion au régime de l’assujetti unique pour l’ensemble des membres entraîne la perte de leur qualité d’assujetti. Il en résulte que les livraisons de biens et les prestations de services effectuées entre membres de l’assujetti unique constituent des opérations internes étrangères au système de la TVA.  

La mise en place du régime de l’assujetti unique, impacts et enjeux

Un dispositif qui se veut avantageux…

Ce dispositif a vocation à obtenir une meilleure neutralité économique de l’impôt de consommation et à simplifier la gestion fiscale des entreprises.

En ce qui concerne les formalités déclaratives, il revient à l’assujetti unique de consolider non seulement le paiement de la TVA mais d’assurer également la déclaration pour tous ses membres. Ce qui pourrait se voir comme une simplification administrative forte pour les membres du groupe (en dehors de l’AU) implique tout de même de fournir une piste d’audit fiable à tout moment en matière de déclarations de TVA et de pouvoir justifier les flux de tous les membres du groupe en cas de contrôle fiscal. Le niveau actuel d’exigence reste ainsi inchangé en termes de masses de données à traiter et à archiver.

À noter

Si à l’origine, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), il était prévu une exonération de taxe sur les salaires au profit de certains membres de l’assujetti unique, cette disposition a été finalement retoquée par le Conseil constitutionnel de telle sorte que cet avantage fiscal a disparu de la loi précitée.

… Contrasté par certains effets négatifs

Les règles applicables en matière de déduction de la TVA changent, le principe de l’affection devant être maintenant appliqué aux bornes du groupe. En conséquence, la non-déductibilité de TVA portée par une société du fait de ses activées exonérées peut se retrouver portée par une autre société en amont de la chaîne des opérations intergroupes. De même, une société qui pouvait récupérer intégralement la TVA avant son adhésion, pourrait avoir un droit à récupération plus faible, voire nul, et demanderait ainsi à se faire indemniser auprès du groupe si les conventions internes le prévoient. Il convient ainsi de porter une attention forte aux flux économiques du groupe et d’avoir une vision d’ensemble des impacts de rémanence de TVA entre les entités sur tous les mécanismes créés par l’adhésion au régime de l’assujetti unique.

Chaque membre reste tenu solidairement au paiement de la TVA, même si cette responsabilité est limitée à hauteur des droits et pénalités dont le membre serait redevable s’il n’était pas dans le régime de l’assujetti unique. 

L’adhésion d’un membre peut également avoir un impact sur les régularisations annuelles en matière de TVA sur les immobilisations, lié à l’application d’un coefficient de taxation groupe différent du coefficient individuel. 

Enfin, comme les conventions peuvent prévoir des mécanismes de répartition des gains et pertes nettes à la suite de l’entrée dans le régime de l’AU, il convient d’être en mesure de déterminer des coefficients de taxation selon plusieurs méthodes et surtout de modéliser les impacts dans les états financiers. 

Le déploiement du régime de l’AU, un projet à ne pas minimiser

Le régime de l’assujetti unique pose comme principe que seul le représentant accomplit les formalités déclaratives en matière de TVA. Cette application a pour conséquence de diminuer le nombre de déclarations de TVA. Ainsi, l’AU procède à une déclaration du chiffre d’affaires « groupe » accompagnée d’annexes pour chacun de ses membres qui constitue un secteur d’activité. Parmi les informations à communiquer, le chiffre d’affaires réalisé par les membres au bénéfice d’autres membres doit être renseigné, ce qui implique une identification en amont des opérations « intra-groupe » dans les systèmes d’information. Le temps de préparation des déclarations de TVA peut en conséquence être rallongé. 

Concernant les prestations de services qui sont réalisées par un membre avant son entrée dans l’AU, et dont l’exigibilité intervient après son intégration, elles doivent être déclarées par le membre en tant qu’assujetti à part entière. Il en résulte que de nombreuses déclarations de chiffre d’affaires rectificatives peuvent être adressées à l’administration fiscale. Les travaux de cadrage de TVA sur le chiffre d’affaires doivent donc être adaptés à cette particularité. 

D’un point de vue juridique, la sécurisation de l’entrée dans le dispositif de l’assujetti unique par la rédaction de conventions permet d’anticiper les risques et de poser les règles de répartition des gains et pertes nettes du groupe. 

Les facteurs clés de succès pour le déploiement du dispositif de l’assujetti unique

Les actions suivantes doivent être considérées dans tout projet de migration vers un AU :

  • Sécuriser l’environnement juridique et notamment les règles en matière de trésorerie et de répartition des gains et pertes nettes du groupe TVA ; 
  • Créer et déployer des référentiels TVA dans les outils opérationnels pour la fiabilisation des données.
  • Mettre en place des contrôles sur les codes TVA applicables des factures d’achats et de ventes ; 
  • Piloter la facturation/recouvrement des factures clients qui ont un impact sur le calcul des coefficients de taxation à la TVA et sur le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. 
  • Mettre en place un reporting TVA pour le suivi des coefficients de taxation de la TVA, le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires et la répartition des gains ou pertes nettes du groupe  

Pour conclure

Ces travaux de mise en place du régime de l’assujetti unique à la TVA peuvent également servir dans le cadre de l’entrée en vigueur prochaine du nouveau dispositif de E-Invoicing et de E-Reporting. Il parait donc opportun d’avoir une vision transversale sur l’ensemble de ces évolutions.

Guillaume Porte, est manager au sein du département Conseil et Support Opérationnels du cabinet BM&A. Spécialisé dans l’accompagnement des directions financières, Guillaume intervient sur des missions de management de transition et de conduite et d’exécution de projets comptables complexes.