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ESEF : une année de transition

Les sociétés émettant des titres sur un marché réglementé publient désormais leur rapport annuel financier (RFA) ou le document d’enregistrement universel (DEU) qui le contient selon le format européen électronique unique ESEF (European Single Electronic Format)1. Chaque année, elles doivent dérouler le processus de publication sous ce format : voici quelques points d’attention pour l’exercice 20232.

Rappel des principales caractéristiques

Le RFA ou DEU sous format ESEF correspond à une archive (fichier .zip) contenant un rapport lisible par un navigateur web, des étiquettes informatiques (les « balises ») et un dictionnaire électronique (la « taxonomie ») qui en donne le sens. Les balises sont appliquées aux montants dans les états primaires (bilan, résultat, tableau des flux de trésorerie et état des variations des capitaux propres) des comptes consolidés IFRS et sur des sections entières pour structurer les annexes. Ainsi, ces informations peuvent être facilement extraites, réutilisées et comparées.

Des changements de balises

Les balises étant issues d’un dictionnaire commun ou construites comme des extensions propres à l’émetteur ancrées aux concepts de ce dictionnaire, il faut veiller aux évolutions annuelles de vocabulaire. Le dictionnaire ESEF est basé sur la taxonomie IFRS revue chaque année par l’IASB. Pour la publication du rapport 2023, les émetteurs doivent se référer à la taxonomie ESEF2022 et non plus à ESEF2021, ce qui implique quelques changements. La macro-balise générale (Disclosure Of Notes And Other Explanatory Information Explanatory) n’est plus à utiliser et celle pour les principes comptables (Disclosure Of Summary Of Significant Accounting Policies Explanatory) change en raison de l’amendement à IAS1 (Disclosure Of Material Accounting Policy Information Explanatory). Le règlement délégué 2019/815 incite aussi à anticiper les évolutions IFRS 2023, même si cette taxonomie n’est pas pleinement homologuée (l’ESMA n’a pas procédé à la mise à jour annuelle du règlement pour permettre une application directe). Le dictionnaire IFRS introduit dans sa version la plus récente deux balises distinctes pour les immobilisations corporelles selon qu’elles englobent ou non les droits d’utilisation. Il peut être plus clair de faire une extension sur ce modèle.

Des calculs tous retranscrits et des libellés clairs

L’ESMA a publié un manuel de reporting ESEF, qui est mis à jour chaque été : dans la version 2023, elle invite les émetteurs et leurs prestataires informatiques à transcrire tous les calculs dans les états primaires (y compris au sein des notes en bas de tableau), à améliorer la lisibilité des sections balisées et à définir tous les libellés des extensions.

Pour les calculs, on notera qu’il est désormais attendu que les relations d’addition entre colonnes soient explicitées (par un mécanisme de structuration de la base de présentation) et que toutes les sommes au sein d’un même état soient vérifiées : le résultat sera ainsi décrit tant comme une déduction des charges depuis les produits que comme le total de la part du groupe et de celle des participations ne donnant pas le contrôle, si ces montants sont affichés. Dans cet esprit, l’AMF appelle aussi à remplir (par un zéro ou un tiret) les cellules vides dans les états primaires, afin qu’elles soient incluses dans les règles de calcul et dans la comparabilité N/N-1.

Des évolutions propres à chaque émetteur

Les émetteurs qui n’auraient pas retenu toutes les bonnes pratiques partagées pour les précédents exercices gagnent à revoir leur mapping, pour plus de conformité et pour une meilleure utilisation des données extraites. Dans les publications 2022, on constate des erreurs de signe, des extensions inutiles ou au contraire des balisages standards incorrectement appliqués, notamment au niveau du compte de résultat, si le résultat net avant impôt est présenté hors quote-part des sociétés mises en équivalence, ou au tableau de flux de trésorerie quand la variation des immobilisations n’inclut pas la part en dette.

Il faut également traiter toute évolution dans la structure des états primaires ou dans la rédaction des annexes. Les compagnies d’assurance et groupes financiers qui mettent en œuvre IFRS 17 constatent, dans ce cadre, des évolutions importantes.

De nouveaux modes de lecture

Le passage en mode pérenne des travaux ESEF ouvre une réflexion sur l’adaptation du rapport annuel à une lecture en ligne. Une mise en œuvre native du format web (HTML) est à envisager. Pour de nombreux émetteurs, ESEF relève aujourd’hui d’un processus de conversion de bout de chaîne à partir de documents historiquement conçus pour le papier : avec des numéros de page, une présentation verticale, un double colonage. L’idée même d’ESEF, son extension annoncée au reporting ESG et le futur portail ESAP3 d’accès centralisé en ligne aux rapports des émetteurs européens incitent pourtant à l’affichage web : en paysage sur l’écran, avec des liens et une lecture déroulante. Aussi, tant les chartes graphiques que les futurs outils de préparation doivent faciliter ces caractéristiques. D’autant que la possibilité donnée par l’AMF d’une publication ESEF (ou a minima au format web sans balises) en semestriel permet de décommissionner tout ancien mode de publication.

Il s’agit en clair de répondre directement aux attentes de lisibilité des données extraites. Lorsqu’il y a de nombreuses étapes de conversion, les sections macro-balisées dans les annexes, et en particulier les tableaux chiffrés qu’elles contiennent, peuvent être mal retranscrites. L’extraction du contenu ESEF ne permet plus d’identifier les montants ou de déterminer à quelle colonne ils se rapportent, ce que le manuel de reporting 2023 interdit : il exige une transcription permettant de comprendre le sens de l’information. Les émetteurs peuvent répondre transitoirement en travaillant sur la rédaction (par exemple en remplissant d’un zéro ou tiret toutes les cellules des annexes) mais cela ne saurait faire oublier la cible d’une publication directement structurée HTML.

De nouveaux modes de rédaction

Lors de la mise en place d’ESEF, l’AMF a toujours indiqué que l’ajout d’un balisage électronique ne devait pas modifier le contenu du rapport. Elle a ultérieurement précisé que les données signalétiques obligatoires ne devaient être balisées que si elles étaient effectivement présentes. Ainsi, les raisons d’un éventuel changement de nom, l’adresse de l’établissement principal, les noms de la société mère et de la mère ultime ne doivent être mentionnés et étiquetés que si ces informations ont du sens (en particulier, si elles se différencient du nom et de l’adresse déclarés pour l’émetteur).

Ces consignes ne doivent pas décourager les émetteurs d’améliorer leur rédaction. La pratique ESEF met en évidence les écarts spécifiques au standard, là où il y a des extensions que d’autres ne font pas, et l’absence d’indicateurs normativement attendus (comme les montants de dividendes futurs ou les modalités d’arrêté des comptes). Partant de cette analyse, les émetteurs et leurs auditeurs peuvent discuter d’un alignement pour plus de clarté, de lisibilité et de comparabilité.

Pour conclure

Si les évolutions ESEF paraissent limitées cette année, les émetteurs n’échappent pas à des mises à jour ponctuelles et à une réflexion à plus long terme pour publier dans les meilleures conditions, dans l’optique des futures exigences étendues aux données ESG.

L’association XBRL France, dont BM&A est membre administrateur, organise le 11 décembre sa conférence annuelle sur le reporting XBRL « Cap 2024 ». Les thématiques ESEF et ESG y seront abordées, ainsi que plus largement l’avenir du reporting réglementaire des sociétés, des banques et des assurances (www.xbrlfrance.org).

BM&A a accompagné de nombreux émetteurs dans la mise en œuvre d’ESEF sur les précédents exercices. Bien que les modifications cette année sont maîtrisables de façon autonome, nous restons disponibles pour vous aider à les réaliser sans accroc ni perte de temps.

Règlement délégué 2019/815 modifié.

2 Il est aussi possible d’opter pour ce format à titre volontaire pour les comptes semestriels (AMF, instruction DOC-2007-03 modifiée).

3 European Single Access Point.