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Un nouvel exercice de stress test climatique pour le secteur de l’assurance

Face aux conséquences néfastes et de plus en plus perceptibles du réchauffement climatique, l’assureur apparait plus que jamais comme un acteur clé : d’une part, dans sa capacité à tenir ses engagements vis-à-vis de ses assurés et d’autre part, dans le changement de paradigme en faveur d’une économie « plus verte ».

Aussi, dans la continuité de l’exercice pilote réalisé en 2020-2021, l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) lance son second exercice de stress test climatique, cette fois-ci exclusivement dédié aux assureurs.

L’exercice pilote 2020-2021 en bref !

Objectifs

Le premier stress test1, qui reposait sur neuf groupes bancaires, trois établissements financiers du secteur public représentant 85 % du total du bilan bancaire et quinze groupes d’assurance représentant 75 % du total du bilan et des provisions techniques des assureurs, avait pour objectif de :

  • sensibiliser les participants à l’impact financier des risques inhérents au changement climatique (risque de transition2 et risque physique chronique3) et renforcer leurs capacités d’analyse et de gestion de ces risques ;
  • obtenir un premier ordre de grandeur des risques et vulnérabilités auxquels ces institutions sont exposées.

Principales caractéristiques des scénarios retenus

Sur la base des trois dimensions suivantes, il a été retenu les éléments suivants.

  • Dimension temporelle : trois scénarios à horizon long terme (2020-2050), dont un scénario de transition ordonnée (scénario de référence) et deux scénarios de transition désordonnée publiés par le NGFS4 (scénarios adverses).
  • Dimension géographique : France, Europe hors France (y compris UK) et USA (80%), plus le reste du monde (20%).
  • Dimension sectorielle : 55 secteurs d’activités NACE de la base WIOD5 pour chaque scénario et chaque zone géographique.

Les résultats des assureurs participants au stress test

Il résulte de ce test, les constats suivants :

  • une exposition limitée au risque de transition, à environ 17% du total actif en raison de leur faible exposition ex-ante aux secteurs sensibles et aux actions, car les assureurs ont engagé des politiques de diminution de leur empreinte carbone il y a de nombreuses années ;
  • quant au risque physique, les assureurs participants ont généralement choisi de maintenir un ratio « Sinistres / Primes » stable, augmentant les primes proportionnellement aux sinistres.

Notons que dans ce cadre, il n’a pas été pris en considération le risque d’inassurabilité induit par une très forte hausse des primes.

Quels sont les objectifs de l’exercice 2023 ?

L’exercice pilote a apporté un certain nombre d’enseignements et soulevé de nombreuses questions méthodologiques notamment sur la prise en compte du risque physique, la conception des scénarios à long terme et l’identification des secteurs vulnérables.

 Aussi, l’exercice 2023 vise principalement à :

  • améliorer le cadre méthodologique de l’exercice pilote via une meilleure prise en compte du risque physique ;
  • poursuivre l’effort d’intégration stratégique du risque climatique ;
  • actualiser la mesure des vulnérabilités des participants ;
  • mener une première évaluation de l’impact sur la solvabilité des assureurs via la création de scénarios à court-terme.

Quelles innovations par rapport à l’exercice pilote 2020 ?

Une revue des scénarios de long terme (à horizon 2050)

Sur la base d’hypothèses actualisées6 du NGFS, deux scénarios ont été envisagés. Le premier scénario repose sur une transition ordonnée (augmentation de la température inférieure à 2°, correspondant à la feuille de route de la France pour satisfaire à ses engagements de l’Accord de Paris avec une transition progressive à partir de 2025). L’autre scénario repose sur une transition désordonnée reposant sur l’hypothèse d’une transition tardive à partir de 2035.

L’impact de ces scénarios est évalué en déviation par rapport à un scénario de référence fictif sans risque physique, ni risque de transition élaboré par le NIESR7.

Une mesure du risque physique actualisée

Le risque physique précédemment évalué sur la base du scénario RCP 8.5 du GIEC8 (hypothèses d’une hausse des températures comprise entre 1,4°C et 2,6°C en 2050) est désormais évalué à l’aide du scénario RCP 4.5 du GIEC (hypothèses d’une hausse des températures comprises entre 0,9°C et 2°C en 2050) pour assurer la cohérence avec les trajectoires de température du NGFS.

Une ventilation sectorielle des chocs financiers plus pertinente

L’exercice propose une dimension sectorielle qui évolue pour ce qui est des chocs actions dans les scénarios de long terme. Une plus grande granularité est ainsi proposée pour certains secteurs susceptibles d’être les plus sensibles aux chocs financiers. À l’inverse, les secteurs identifiés comme moins sensibles lors de l’exercice pilote ont été regroupés dans des catégories agrégées. Dans cette perspective, alors que l’exercice pilote présentait des chocs pour les 55 secteurs d’activités NACE de la base WIOD, les chocs sont présentés dans cet exercice pour 22 groupes de secteurs NACE9.

Un nouveau scénario de court-terme pour apprécier la solvabilité des assureurs

L’ACPR, en collaboration avec les équipes de la banque de France, a développé un scénario de court-terme sur l’horizon 2023-2027, afin d’obtenir une première estimation des conséquences du risque climatique (risque physique et risque de transition) sur la solvabilité des assureurs, sur la base d’une hypothèse de bilan statique cohérente avec l’approche classique des exercices de stress-test conduits par l’EIOPA10.

Pourquoi participer à ce nouvel exercice 2023 ?

Rappelons que l’exercice est ouvert à toute compagnie d’assurance qui souhaiterait y participer, sur une base volontaire et qu’il « n’aura pas de conséquences sur les exigences de fonds propres » comme l’a indiqué la secrétaire générale de l’ACPR, Nathalie Aufauvre (cf. communiqué de presse paru le 6 juillet 2023).

Les hypothèses, le guide technique afférent ainsi que les fichiers Excel comportant les hypothèses quantitatives et les tableaux de remise ont été publiés courant juillet sur le site de l’ACPR.

Une remise intermédiaire des résultats des stress tests est attendue avant le 30 novembre et la remise finale de ces derniers est prévue au plus tard le 31 décembre 2023.

Pour conclure

Si, compte tenu des délais de remise contraignants, la participation à cet exercice induit nécessairement un coût en moyens humains et financiers (recours à des prestataires externes, mobilisation d’équipes internes dédiés, collecte de données nécessaires et le cas échéant adaptation des outils/modèles de projection, etc.), ce test de résistance est essentiel. En effet, il devrait permettre aux participants sur la base d’hypothèses communes :

  • de mesurer ou actualiser leur exposition sur le long terme aux risques de transition et risque physique ;
  • d’avoir une première mesure de l’impact de ces risques sur leur solvabilité ;
  • de renforcer leur capacité d’analyse et de gestion de ces risques ;
  • de prendre en compte l’impact financier du risque climatique dans le cadre de leur orientation/planification stratégique.

Stress test : Test de résistance.

2 Risque de transition : Risque de dévalorisation de certains actifs dans le cadre de la mise en œuvre de politiques de transition énergétique ou de leur anticipation.

3 Risque physique chronique : Impact au passif des assureurs, de la hausse de la sinistralité occasionnée par les événements climatiques.

4 NGFS : Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System (Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement de l’économie.)

5 WIOD : World Input-Output Database.

6 Exemple : prise en compte de la guerre en Ukraine et de son impact inflationniste, des effets de l’entrée en vigueur de la loi « Climat et résilience » en France visant l’interdiction progressive à la location de logements mal isolés etc.

7 NIESR : Institut National de Recherches Economiques et Sociales.

8 GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

9 Issus de la réagrégation des 200 secteurs de la base de données Exiobase.

10 Autorité européenne des assureurs et des fonds de pensions professionnels.