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Conseil et supports opérationnels, Lettre d'Actualités Techniques

Recommandations en vue de l’arrêté des comptes 2023 en IFRS

C’est un rituel bien connu des émetteurs : la publication des recommandations de l’AMF en vue de l’établissement des états financiers sous référentiel IFRS1. En lien avec les recommandations de l’ESMA, l’AMF a, cette année, mis particulièrement l’accent sur les effets des changements environnementaux et les risques et effets liés aux conditions macro-économiques actuelles dans les comptes. L’application des nouvelles normes est également un point souligné par l’AMF pour la clôture 2023.

Effets liés au changement climatique et aux engagements des sociétés

D’une manière générale, l’AMF souligne l’importance de la cohérence entre les états financiers et les autres éléments de communication sur leurs engagements climatiques, dont la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les plans de décarbonation. À ce titre, l’AMF relève, dans la revue des états financiers, qu’il est parfois difficile de comprendre l’impact des engagements de la société ou de son exposition aux changements climatiques sur sa performance, les informations publiées étant trop limitées et pas assez spécifiques.

Aussi, l’AMF recommande de développer les principes comptables, les jugements et les hypothèses retenues dans les estimations effectuées et de présenter clairement la façon dont les risques et les engagements liés aux changements climatiques ont été considérés lors de l’arrêté des comptes.

Exemple

Les sociétés pourront faire le lien dans les états financiers avec les informations fournies par ailleurs sur les investissements prévus, les mises au rebut d’actifs, les plans de transition comme les coûts et investissements encourus et estimés pour atteindre leurs objectifs, l’horizon d’analyse retenu et la manière dont elles entendent atteindre ces engagements de réduction des gaz à effet de serre (achat ou allocation de crédits CO2, changement des processus, etc.).

Les tests de dépréciation, point abordé également l’année dernière, suscitent toujours des commentaires de la part de l’AMF. Ainsi, elle demande aux sociétés concernées de s’interroger sur l’existence de nouvelles hypothèses clés, comme l’évolution du mix énergétique, le coût des quotas de gaz à effet de serre et, le cas échéant, de communiquer sur ces hypothèses clés ainsi que sur les sources utilisées pour leur chiffrage. En cas d’utilisation de scénarios pour la détermination des hypothèses clés, l’AMF encourage également les sociétés à les mentionner et à expliquer l’analyse menée. Le cas échéant, les sociétés sont invitées à prendre en compte ces nouvelles hypothèses dans leurs analyses de sensibilité présentées dans les états financiers. L’AMF estime, d’une manière plus générale, qu’une information sur la manière dont les impacts sont pris en compte, au-delà du plan d’affaires (par exemple dans la valeur terminale), est utile aux lecteurs.

L’AMF conclut à l’existence de nouveaux indices de perte de valeur, notamment liés aux phénomènes climatiques, à l’accroissement de la régulation et des coûts en matière d’émissions de CO2 et au changement de comportement des consommateurs, nécessitant de compléter les états financiers en conséquence.

Un autre sujet a retenu l’attention de l’AMF : il s’agit des contrats d’énergie verte, de type « Power Purchase Agreement » (PPA) et Virtual Power Purchase Agreement (VPPA), qui prennent de plus en plus d’importance. En raison de la diversité des clauses contractuelles dans ces contrats, il est demandé de préciser le traitement comptable attaché à ces contrats (consolidation, location, instrument financier…) et de communiquer leurs principales caractéristiques (volume d’électricité souscrit, durée d’approvisionnement, objectifs, minimum garanti, etc.).  Pour les VPPA, il est demandé de préciser si un traitement de couverture a été appliqué au dérivé. Enfin, l’AMF rappelle, à ce titre, l’importance de la cohérence entre les états financiers et les autres supports de communication.

Quant à la comptabilisation des quotas de CO2 et des certificats d’économie d’énergie (CEE), en l’absence de principes comptables IFRS sur ces sujets, l’AMF recommande aux sociétés significativement concernées, d’indiquer le traitement comptable retenu et de préciser, le cas échéant, les principales caractéristiques des instruments par juridiction. Il est aussi demandé d’indiquer les impacts afférents sur leurs états financiers tant au bilan (actifs, provisions, etc.) qu’au compte de résultat. En cas d’effet significatif, une information détaillant les principales juridictions concernées par les impacts s’avérerait pertinente.

Exemple

Les sociétés peuvent communiquer des informations quantitatives sur les crédits de quotas de CO2 et les certificats d’économie d’énergie dus, détenus, consommés et vendus.

Enfin, l’AMF encourage les sociétés à faire le lien entre les informations fournies dans les états financiers et les DPEF, notamment en termes de volumes d’émission et de quotas. Pour clore cette thématique, l’AMF invite les émetteurs à mener une réflexion plus globale sur l’information sectorielle dans la mesure où, pour certaines sociétés, les objectifs et trajectoires climatiques peuvent d’ores et déjà avoir un impact sur la conduite des activités : abandons ou désinvestissements dans certains secteurs, investissements significatifs sur des activités nouvelles, etc.

Prise en compte des conditions macro-économiques

Valorisation des immeubles de placement

Si l’AMF constate une certaine homogénéité des hypothèses utilisées pour l’évaluation à la juste valeur des immeubles de placement, elle souligne toutefois un manque de clarté dans la définition des hypothèses utilisées et le lien difficile entre ces dernières et les méthodes de valorisation. Aussi, les sociétés concernées prendront le soin de décrire les techniques d’évaluation retenues, en expliquant les principales hypothèses utilisées et, le cas échéant, les changements de technique et d’hypothèses clés par méthode d’évaluation. Autrement dit, la cohérence s’impose entre ces hypothèses et les techniques d’évaluation retenues.

Exemple

Si la société utilise les flux de trésorerie actualisés pour l’évaluation, il serait logique qu’elle indique les taux d’actualisation retenus.

Enfin, les sociétés du secteur doivent, d’une manière générale, s’interroger sur la manière la plus pertinente de refléter les changements climatiques et les contraintes réglementaires dans les valorisations des immeubles de placement (flux de trésorerie, taux d’actualisation, taux de croissance et plus généralement valeur terminale) et d’indiquer comment ces risques ont été pris en compte dans les états financiers.

Continuité d’exploitation, liquidité et endettement

L’AMF estime, compte tenue du contexte macro-économique, que l’information relative aux jugements clés sur la continuité d’exploitation conserve un caractère important. À ce titre, les sociétés pourront utilement de référer au document pédagogique publié par L’IASB en janvier 2021 rappelant les dispositions des IFRS et les décisions de l’IFRS IC liées à la continuité. Ainsi, concernant les incertitudes pesant sur la continuité d’exploitation, les entreprises devraient justifier le principe de continuité d’exploitation, y compris dans les cas où l’absence d’incertitudes significatives a nécessité l’exercice d’un jugement de la part de la société. La cohérence entre les informations présentées dans les états financiers et dans le rapport de gestion au titre du risque de liquidité est également de mise.

Autre point de vigilance à signaler : l’information sur le risque de liquidité, dans un contexte de durcissement de l’accès au crédit et de la remontée des taux.  Ainsi, il est pertinent de présenter une information détaillée sur l’ensemble des dettes significatives (y compris les dettes locatives) et leurs caractéristiques (montant, devise, type de taux, taux d’intérêt et indexation le cas échéant, notamment), sur les renégociations de ces dettes sur la période et leur traitement comptable ainsi que sur les covenants bancaires (le cas échéant, les moratoires obtenus) et les éventuelles restrictions pesant sur l’utilisation des actifs. Il semble également utile de présenter les zones d’incertitudes relatives à d’éventuelles levées de financements futurs lorsque celles-ci ont un impact significatif sur l’appréciation du risque de liquidité. Dans les cas où la marge de manœuvre de négociation des covenants est faible, l’AMF rappelle aux sociétés de communiquer cette information, afin de mettre en lumière le risque afférent.

Pour les émetteurs ayant recours à l’affacturage, conduisant pour une grande majorité à un montage déconsolidant, il convient de mentionner l’analyse qui sous-tend la décomptabilisation ou non des créances. Quant à l’affacturage inversé, les utilisateurs des comptes s’attendent à trouver des informations sur les principales caractéristiques de ce type de contrat en précisant notamment les montants des dettes incluses dans ces accords, l’analyse comptable retenue en matière de présentation (bilan et tableau de flux de trésorerie) et les jugements significatifs mis en œuvre dans cette analyse.

Enfin, pour les sociétés exposées à un risque de taux significatif (par exemple, en cas de taux variable) il convient de présenter leur analyse de sensibilité à ce risque avec une fourchette de variabilité plus large que les années précédentes, le cas échéant. L’AMF recommande, lorsque des sociétés sont exposées à différentes classes d’instruments financiers à taux variable, de présenter des analyses de sensibilité pour chaque classe significative d’instruments financiers. En outre, l’AMF rappelle que, si des changements de méthode et d’hypothèses retenues dans l’élaboration des analyses de sensibilité ont eu lieu depuis le dernier exercice, les sociétés doivent communiquer sur ces changements ainsi que sur les raisons de ceux-ci. De même, les sociétés exposées à des positions dérivées significatives doivent fournir des informations quantitatives, relatives aux appels de marge, permettant d’appréhender l’effet sur le risque de liquidité.

Application de nouvelles normes et de nouveaux amendements

Outre la norme IFRS 17, entrée en vigueur cette année et intéressant plus particulièrement les entités du secteur de l’assurance, l’AMF attire l’attention sur l’amendement à IAS 12 lié à l’imposition mondiale minimale (dite « Pilier 2 »)2.  Signalons également l’amendement à « IAS 1 – informations à fournir sur les méthodes comptables » qui impose de fournir uniquement les informations significatives dans les états financiers. En ce qui concerne l’impact de la réforme des retraites en France, il a été considéré qu’il s’agissait d’une modification de régime au sens d’IAS 19.1033, donc comptabilisé comme un coût des services passés à enregistrer immédiatement en résultat en date de modification (i.e. 15 avril 2023). Pour les sociétés significativement concernées, une explication des effets semble opportune.

Pour conclure

Au fil des années, les recommandations de l’AMF se focalisent de plus en plus sur la pertinence de l’information à fournir dans les annexes, avec en ligne de mire des sujets liés au développement durable. Gageons qu’avec l’entrée en vigueur prochaine de la CSRD, ce phénomène va s’accentuer de plus en plus.

AMF, DOC-2023-09, 26 octobre 2023.

2 Sur ce point, voir l’article de Loriane Rapinat et Jeremy Saraga « Impact des dispositions du Pilier 2 de l’OCDE sur les impôts différés : proposition d’amendement temporaire à IAS 12 », lettre d’actualités techniques n° 53.

3 Sur ce point, voir l’article de Loriane Rapinat et Jérémy Saraga « Réforme des retraites et engagements IAS 19 : des impacts potentiels sur les états financiers IFRS », lettre d’actualités techniques n° 53.