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Les labels « Finance Durable » contribuent-ils au verdissement de l’économie ?

Au sein de l’Union européenne, sont apparus plusieurs labels de finance durable. Face à cette « soft law » se profilent des textes réglementaires européens, notamment le règlement SFDR. Une étude récente de la société Novethic et de l’association Fair1 sur ce sujet est l’occasion de s’interroger sur la capacité de ces labels à améliorer la performance des investissements réalisés, ainsi que sur leurs contributions au verdissement de l’économie.

Labels de finance durable, de quoi parle-t-on ?

Les labels de finance durable permettent aux conseillers financiers et aux clients de se repérer dans l’offre de fonds labellisés proposée. Le marché européen compte neuf labels de finance durable que Novethic divise en deux catégories :

  • les labels ESG ou labels axés sur la stratégie, comme le label ISR, qui utilisent des exigences minimums ou un barème à points ;
  • les labels verts ou labels axés sur la sélection, comme le label Greenfin (ou le label Finansol qui a la même approche appliquée au domaine social), qui regardent la qualité environnementale des portefeuilles et peuvent faire référence à une taxonomie d’activités vertes.

Les labels et la réglementation européenne

Les labels doivent maintenant cohabiter avec différents cadres réglementaires adoptés en Europe et en France dont :

  • le règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR), visant à harmoniser et renforcer les obligations de transparence de la part des acteurs des marchés qui commercialisent des produits d’investissement ;
  • la doctrine de l’AMF publiée en 2020 relative aux informations à fournir par les placements collectifs intégrant des approches extra-financières, dans l’objectif d’assurer la cohérence et la qualité de l’information fournie aux investisseurs. Cette doctrine reconnait le label ISR pour les fonds dont la prise en compte de critères extra-financiers vise à atteindre une amélioration de note et le label Greenfin pour les fonds investissant majoritairement en obligations vertes.

Le règlement SFDR s’appuie sur les caractéristiques ESG ou les objectifs durables et la doctrine de l’AMF sur le respect d’un seuil quantitatif.

Certains labels commencent déjà à intégrer la nouvelle réglementation européenne. Par exemple, un label reprend l’approche du règlement SFDR en exigeant une évaluation à la fois des impacts probables des risques de durabilité sur la rentabilité du produit et des risques de principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité des investissements. Un autre introduit la notion de secteurs critiques : toute entreprise dont plus de 30% du chiffre d’affaires provient d’activités très émissives en carbone doit dépasser un pourcentage donné de chiffre d’affaires ou de CapEx alignés avec la taxonomie, ou avoir adopté des objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.

De plus, pour garantir que les fonds sont bien investis dans des activités favorables à l’environnement, les labels font appel à des taxonomies succinctes. Néanmoins, selon l’article 4 du règlement Taxonomie, les critères de la taxonomie qui définissent les activités économiques durables sur le plan environnemental doivent être appliqués « aux fins de toute mesure fixant des exigences applicables aux acteurs des marchés financiers […] en ce qui concerne les produits financiers […] qui sont mis à disposition comme étant durables sur le plan environnemental ». Les labels verts auront donc l’obligation d’intégrer la taxonomie européenne à leurs référentiels.

Critères à respecter et exclusion

La capacité des labels à orienter la nature des investissements réalisés dépend fortement du fonctionnement des critères à respecter pour les obtenir. Leur obtention est soumise à un calcul de « part verte » minimum, c’est-à-dire une part de portefeuille investie dans des activités durables sur le plan environnemental.

Les labels ont également une approche d’exclusion :

  • des entreprises controversées violant des conventions fondamentales (droits humains ou droits du travail selon l’OIT). Certains labels utilisent les critères du Global Compact des Nations Unies les complétant avec les minimum social safeguards retenus dans la taxonomie européenne ;
  • des activités controversées comme le tabac ou les armes ;
  • des secteurs nuisant à l’environnement, comme les énergies fossiles ou nucléaires, selon certains seuils.

Que représentent ces fonds labellisés ?

Selon l’étude, au 31 décembre 2021, cinq labels ont dépassé 200 fonds labellisés, et quatre totalisaient plus de 100 milliards d’euros sous gestion. Deux labels concentrent plus particulièrement les encours depuis 2019 : le label ISR français et la certification belge Towards Sustainability, qui ont tous deux dépassé les 600 fonds labellisés et les 500 milliards d’euros d’encours. L’étude souligne également le nombre croissant de labellisations multiples. Fin 2021, 254 fonds optaient pour deux labels, 38 autres en avaient trois, et 14 fonds en comptaient quatre. Il est donc possible pour une même stratégie d’investissement de se conformer aux critères de plusieurs labels.

La France occupe la première place européenne en termes de gestion de ce type de fonds, avec 707 fonds et 559 milliards d’euros d’encours.

Focus sur les labels français

Le label ISR (Investissement Socialement Responsable) est le plus répandu et le plus large dans ses attentes. Il s’agit d’une démarche visant à appliquer à l’investissement les principes du développement durable. Ainsi, le choix d’un investissement prendra en compte des critères extra-financiers (respect de l’environnement, bien-être des salariés, bonne gouvernance, etc.). Ce n’est ni un label vert ni un label climat mais il repose sur une approche best in class.

Le label Greenfin a pour objectif de mobiliser une partie de l’épargne au bénéfice de la transition énergétique et écologique. Le label a la particularité d’exclure les fonds qui investissent dans des entreprises opérant dans le secteur nucléaire et les énergies fossiles. Il cible pour les fonds cotés une offre verte encore très réduite par le nombre de fonds labellisés.

Le label Finansol permet de promouvoir auprès du grand public les différents produits d’épargne solidaire disponibles. Il repose sur des critères de solidarité et de transparence. Il cible les produits financiers d’épargne dont tout ou partie de l’encours est affecté au financement d’entreprises solidaires, comme les entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS), ou au soutien d’activités d’associations. Cette utilité sociale peut être seulement sociale, environnementale, ou transverse (ex : accès à l’emploi, au logement, soutien à l’agriculture biologique, aux énergies renouvelables, etc.). Selon l’étude de Novethic et Fair, les fonds labellisés Finansol ont généré 690 millions d’euros de flux d’investissement en 2021 et sont majoritairement des financements à utilité sociale (53 % des montants d’investissement).

Labels de finance durable et verdissement de l’économie

Les récentes modifications de certains labels montrent l’intérêt de plus en plus prégnant de l’impact des décisions d’investissements liées à la labellisation dans l’économie réelle. Par exemple, les orientations pour l’évolution du label ISR de juillet 2022 reconnaissent que la méthode best in class permet d’obtenir un résultat « moyen » des portefeuilles labellisés sur les trois piliers E, S et G. Cette note peut être obtenue de manière déséquilibrée en compensant les mauvaises notes sur un des trois piliers par de bonnes notes sur un autre. Il faudrait pouvoir s’assurer que les résultats sur les trois piliers soient équilibrés et que les fonds ne fassent pas l’impasse sur un des piliers pour que le verdissement de l’économie soit réel.

D’après l’étude de Novethic et Fair, la notation ESG en elle-même est aussi remise en cause. Deux critiques principales sont mises en avant :

  • la matérialité essentiellement financière poussant les investisseurs à privilégier l’analyse approfondie de l’impact financier de la prise en compte des critères ESG sur les portefeuilles ;
  • l’efficacité de la note ESG en tant qu’outil de transformation de l’économie. Plusieurs études montrent en effet l’inégalité des notes ESG d’un fournisseur de données à l’autre pour une même entreprise, ce qui rend l’information pour les investisseurs imprécise. D’autres études montrent l’existence de méthodologies de scoring ESG valorisant les engagements des entreprises mais n’assurant pas que l’engagement soit réellement respecté et la stratégie de transformation mise en place, ce qui permet à des entreprises d’améliorer leur note sans réels changements dans l’entreprise et effets dans l’économie.

Les méthodologies doivent donc encore s’améliorer pour être au plus près de la réalité et permettre un véritable verdissement de l’économie.

Labels et impact

Pour que l’investisseur ait un impact, il faut réussir à démontrer que l’investissement va déclencher un changement dans l’entreprise ou l’économie réelle. Il ne suffit donc pas d’investir dans des entreprises à impact pour en créer un.

Les investisseurs, en parlant de leurs décisions et de ce qui les motive, peuvent influencer le discours social et apporter un soutien aux régulateurs œuvrant pour le verdissement. Certains labels demandent aux fonds labellisés de publier un rapport pour détailler certaines explications comme leurs exclusions, risques, opportunités, etc., ce qui doit permettre un plus grand engagement dans la transformation de l’économie.

Par ailleurs, une étude2 montre que les épargnants sont majoritairement prêts à avoir des frais de gestion plus élevés pour des investissements durables à impact, mais sont indifférents à l’ampleur de cet impact et beaucoup moins enclins à payer en fonction du niveau d’impact d’un fonds. Si les investisseurs acceptent donc de payer des frais plus élevés pour un impact même très faible, il est alors important que les labels puissent créer cet impact et soient donc pensés dès le début à cet effet.

En conclusion, des labels perfectibles

Les labels de finance durable sont donc perfectibles. Toutefois, ils tendent, avec les nouvelles réglementations, vers plus de transparence pour permettre aux investisseurs des prises de décision éclairées en matière d’ESG. Cet élan nouveau tend de facto à un verdissement de l’économie et à une finance durable européenne comparable et homogène.

1Évaluation du marché européen des labels de finance verte et solidaire, septembre 2022

2 Heeb, F. and Kölbel, J. and Paetzold, F. and Zeisberger, S., Do Investors Care About Impact ?, January 2022.