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Conseil et supports opérationnels, Lettre d'Actualités Techniques

Recommandations de l’AMF pour l’arrêté des comptes IFRS au 31 décembre 2022

Dans la lignée des axes prioritaires tracés par le régulateur européen (ESMA) et des recommandations formulées l’an passé, l’AMF s’attarde à nouveau sur le lien nécessaire entre risques climatiques et états financiers. L’Autorité adresse également aux émetteurs une série de recommandations en lien avec les impacts de la guerre en Ukraine et des conditions macroéconomiques actuelles.

Lien entre financier et extra-financier

Dans un contexte d’évolution rapide du cadre réglementaire et d’attentes croissantes des investisseurs, le régulateur français constate un accroissement significatif des informations publiées par les sociétés dans leurs états financiers 2021 concernant le lien entre les conséquences du changement climatique et la performance financière. L’AMF rappelle que ses recommandations de l’an passé sont toujours d’actualité. À ce titre, elle a récemment publié un nouveau panorama des informations communiquées par les émetteurs à ce sujet1 (une première version ayant été publiée en décembre 2021 sur les informations fournies dans les états financiers 2020).

Accroître l’implication des organes de gouvernance

Dans un contexte où les groupes revoient leur gouvernance au regard de leurs ambitions climatiques, de leurs besoins et pour répondre aux exigences réglementaires, il leur est recommandé de continuer d’accroître l’implication de leurs organes de gouvernance et leurs comités d’audit. Les impliquer dans l’analyse des effets du changement climatique sur l’activité et dans le contrôle des informations relatives à la durabilité communiquées au marché a pour objectif de s’assurer de la cohérence entre les informations présentées dans les états financiers et les autres éléments de communication de la société.

Assurer la « connectivité » : lien entre les états financiers et les autres éléments d’information financière

L’Autorité constate une augmentation significative des informations fournies concernant les conséquences du changement climatique dans les états financiers tout en soulignant que très peu d’information est fournie concernant les analyses effectuées et les hypothèses prises en compte. Les groupes pour lesquels ces sujets sont significatifs sont encouragés à détailler davantage les jugements et hypothèses mis en œuvre pour apprécier les effets, ou l’absence d’effets, de ces risques dans leurs états financiers. L’AMF suggère également la création d’une note spécifique dédiée à ces sujets dans les annexes ou d’effectuer un lien explicite entre les différentes notes concernées. Par ailleurs, l’Autorité souligne la nécessaire cohérence entre les jugements et estimations utilisés et décrits dans les états financiers et les conséquences des risques et opportunités liés aux enjeux climatiques décrits dans le rapport de gestion et les autres informations. Enfin, tout particulièrement pour les sociétés qui communiquent sur des stratégies de neutralité carbone ambitieuses dans un horizon court, il semble important de développer les informations permettant de comprendre la manière dont les engagements et objectifs de la société (étapes et jalons prévus, actions effectuées) ont été pris en compte et analysés afin de mieux justifier les conclusions en termes d’impacts financiers.

Prise en compte des impacts du changement climatique dans le cadre des tests de dépréciation

Des recommandations avaient déjà été formulées l’an passé sur la prise en compte de ces sujets dans le cadre de la mise en œuvre de la norme IAS 36 sur la dépréciation des actifs non financiers. L’Autorité a porté une attention particulière à la transcription des impacts du changement climatique dans les hypothèses opérationnelles et financières des tests réalisés. À ce titre, elle constate qu’aucune société n’a indiqué considérer le changement climatique comme un indice de perte de valeur. La première recommandation est donc de s’interroger sur l’existence d’indices de perte de valeur liés à ces changements, ce qui aurait pour impact de déclencher la réalisation de tests additionnels (à ceux requis annuellement).

La seconde recommandation porte sur la nécessité de s’interroger sur la manière la plus pertinente de refléter les risques climatiques et les engagements pris dans les tests de dépréciation. Cette prise en compte peut notamment passer par les flux de trésorerie (en fonction d’hypothèses d’évolution de certains coûts), le taux d’actualisation (avec une éventuelle prime de risque), le taux de croissance, voire plus généralement la valeur terminale (en cas de croissance réduite ou nulle au-delà d’une certaine période).

L’Autorité constate que près d’un émetteur sur deux indique avoir fait évoluer ses tests de dépréciation. Néanmoins, parmi eux, près d’1/5 ne précise pas quelles modifications ont été apportées. Il est donc recommandé aux sociétés concernées d’accroître le niveau et la précision des informations données sur les principaux jugements et estimations utilisés ainsi que sur les éventuelles modifications apportées aux modalités des tests (notamment, en explicitant les nouvelles hypothèses retenues et l’amplitude chiffrée des changements). En l’absence de modifications et lorsque la société appartient à un secteur qui pourrait être particulièrement impacté, l’AMF invite à expliciter les raisons pour lesquelles il est estimé que l’exposition aux conséquences du changement climatique n’est pas de nature à impacter les hypothèses retenues.

Il est également recommandé d’examiner une adaptation des hypothèses clés et les fourchettes utilisées pour les analyses de sensibilité au regard des facteurs de risque et opportunités pris en compte dans les tests de dépréciation.

Points d’attention particuliers

L’autorité invite les préparateurs à porter une attention particulière à trois points. Tout d’abord, l’impact que pourraient avoir les changements climatiques, les nouvelles réglementations et les engagements qu’ils auraient pris sur le montant des provisions (démantèlement, remise en état, nouveaux risques), des passifs éventuels, des impôts différés et des paiements en actions devrait être examiné.

Ensuite, dans un contexte où de plus en plus de sociétés envisagent le recours à des contrats d’achat d’énergie verte ; l’AMF recommande de mener en amont une analyse du traitement comptable y afférent et de prévoir une communication adéquate dans les états financiers (caractéristiques des contrats, analyse comptable effectuée et impacts financiers identifiés).

Enfin, il est recommandé aux établissements financiers de continuer à travailler à l’intégration de données climatiques dans leurs estimations des pertes de crédit attendues et d’accroître les informations fournies sur ce sujet.

Impacts significatifs directs liés à la guerre en Ukraine

Présentation des effets liés à l’invasion de l’Ukraine par la Russie

En cohérence avec la recommandation formulée concernant la présentation des effets de la pandémie de Covid-19, l’Autorité rappelle qu’il est recommandé de ne pas classer les effets de la guerre en Ukraine parmi les produits et charges non courants (qu’ils soient directs ou indirects et que les montants soient significatifs ou non) à moins que ces impacts portent sur des natures de produits et charges habituellement classés en non courants. Il est en effet considéré qu’un tel classement nuit à la bonne compréhension de la performance de l’entité. Dans le cas où une société présenterait en annexes des effets comme étant liés à la guerre, il convient de préciser la méthodologie utilisée pour leur identification et leur calcul. À noter que ces recommandations sont également valables pour les indicateurs alternatifs de performance utilisés dans les autres éléments de la communication financière.

Classement en actifs destinés à être cédés et activité abandonnée

Un certain nombre d’émetteurs ont annoncé vouloir se désengager de la Russie. Dans ce cas, l’Autorité recommande de préciser dans les états financiers l’analyse effectuée ayant conduit au classement ou non en actifs détenus en vue de la vente au sens de la norme IFRS 5 en veillant à expliquer la cohérence entre les annonces de sortie de Russie et le classement comptable retenu. Notamment, il apparaît utile de préciser l’avancement du processus, les contraintes existantes et l’horizon attendu de cession.

Concernant la possibilité de considérer le groupe d’actifs classé comme détenu en vue de la vente en tant qu’activité abandonnée, il convient d’apprécier la notion de ligne d’activité ou de région géographique principale et distincte en prenant en considération l’information sectorielle et les communications financières passées de la société. Il conviendra de préciser l’analyse effectuée et de veiller à la cohérence avec les analyses qui ont pu être effectuées antérieurement. Enfin, concernant une activité qui a vocation à être arrêtée et non cédée, il est rappelé que conformément à la norme IFRS 5, il convient d’attendre la réalisation effective de son abandon pour la présenter séparément au compte de résultat et dans le tableau de flux de trésorerie, et qu’aucun reclassement n’est à effectuer au bilan au moment de la prise de décision d’abandon.

Analyse du contrôle des participations en Ukraine et en Russie

Il est rappelé qu’en vertu d’IFRS 10.B80-B85, le contrôle sur une participation s’apprécie de façon continue. La situation actuelle peut donc mener les groupes à réapprécier le contrôle qu’ils détiennent sur certaines filiales. Avant de conclure à une perte de contrôle, l’AMF insiste sur l’importance d’effectuer une analyse spécifique et détaillée. Pour mémoire, la détérioration de l’environnement local des affaires, le manque d’accès temporaire à certaines informations, la simple intention de quitter un pays ou l’apparition de restrictions sur l’utilisation de la trésorerie d’une filiale n’emporte pas nécessairement la perte de contrôle. Dans tous les cas, il est recommandé d’indiquer l’ensemble des faits et circonstances ayant permis de conclure au maintien ou à la perte de contrôle de manière suffisamment détaillée et spécifique.

En cas de cession assortie de la mise en place d’instruments donnant des droits de vote potentiels, l’AMF rappelle l’importance d’effectuer une analyse détaillée et globale de l’ensemble des caractéristiques de ces instruments afin de déterminer s’ils participent à la capacité de diriger les activités pertinentes de l’entité et donc le contrôle. Il conviendra de préciser les caractéristiques de ces instruments (fenêtre d’exercice, prix, autres conditions), l’analyse effectuée au regard du contrôle et les impacts de ces instruments.

Impacts sur les contrats d’assurance

Les sociétés sont invitées à examiner leurs contrats d’assurance afin de vérifier si une guerre constitue un cas d’exclusion d’indemnisation et à en tirer les conclusions nécessaires le cas échéant. À noter qu’un risque de non-indemnisation pourrait remettre en cause le caractère déconsolidant d’un contrat d’affacturage dans certains cas.

Conditions macro-économiques

De façon générale et pour les sociétés significativement impactées, l’AMF souligne l’importance d’adapter l’information fournie sur les impacts de l’environnement macro-économique et des incertitudes actuels (continuité d’exploitation, hausse des coûts notamment des matières premières et de l’énergie).

Prendre en compte l’inflation pour le calcul des avantages postérieurs à l’emploi

Concernant les valorisations des avantages postérieurs à l’emploi, il convient de développer les informations sur les hypothèses actuarielles clés retenues, notamment celles liées à l’inflation (par exemple relatives à l’augmentation des salaires ou des prestations). Il est rappelé que les hypothèses utilisées doivent être objectives, c’est-à-dire ni imprudentes ni excessivement prudentes, et qu’une approche cohérente et permanente dans le temps doit être retenue pour la détermination des hypothèses clés prenant en compte l’inflation. Par ailleurs, il est recommandé d’expliquer et de détailler la réconciliation des obligations au titre des prestations définies entre l’ouverture et la clôture en distinguant chaque typologie d’ajustements significatifs de valeur du fait de l’évolution des hypothèses sous-jacentes et de porter une attention particulière à l’estimation de la juste valeur des actifs de régime.

Renforcer la transparence sur les hypothèses utilisées pour les tests de dépréciation

Il est rappelé que la volatilité des taux d’inflation et des taux d’intérêt est un élément devant être pris en compte dans la détermination de l’existence d’un indice de dépréciation d’un actif. De plus, l’AMF recommande aux sociétés de continuer à renforcer la transparence dans la présentation des hypothèses clés, notamment financières, utilisées dans les tests de dépréciation conformément à IAS 36.134(d)(e). Il semble particulièrement important d’expliquer l’évolution de certaines hypothèses clés depuis le dernier test effectué, tout particulièrement lorsque les analyses de sensibilité présentées lors de la dernière période faisaient apparaître un risque de dépréciation probable en cas de variation de celles-ci.

Pour les sociétés significativement exposées aux hausses et volatilités des prix de l’énergie, des matières premières ou autres, l’Autorité considère utile d’indiquer comment ces éléments ont été pris en compte, notamment au regard de la capacité ou non à répercuter aux clients les hausses de coûts de production et des mesures gouvernementales mises en place.

Enfin, les sociétés sont encouragées à s’interroger sur les évolutions à apporter aux tests de sensibilité communiqués en application d’IAS 36.134(f), en envisageant l’accroissement des variations jugées raisonnablement possibles et l’ajout d’analyses complémentaires.

Réexaminer les contrats à long terme et la reconnaissance du chiffre d’affaires

Le contexte actuel d’augmentation des coûts doit mener les sociétés à s’assurer que certains contrats ne deviennent pas déficitaires, auquel cas ils devront faire l’objet d’une provision conformément à IAS 37.36. À ce titre, il est recommandé aux sociétés de fournir des informations relatives à l’analyse menée, ainsi que sur la manière dont le montant de l’éventuelle provision pour contrat déficitaire a été déterminé. De la même façon, les sociétés dont les prix de vente ont augmenté doivent analyser si cette évolution de prix constitue une contrepartie variable (devant être traitée conformément à IFRS 15.84-86) ou une modification du prix de transaction (traitée conformément à IFRS 15.87-90) en fonction des modalités de prise en compte de l’inflation prévues au contrat initial. Enfin, il convient de s’assurer que les coûts du contrat qui auraient été activés respectent toujours le critère de recouvrabilité prévu par IFRS 15.95(c).

Instruments financiers

Concernant la comptabilisation des instruments financiers, l’autorité rappelle plusieurs points.

  • Reclassements d’actifs financiers : ils ne sont possibles qu’en cas de changement de modèle économique pour la gestion de ceux-ci et sont réalisés de façon prospective avec fourniture de l’information requise par IFRS 7. Il est rappelé qu’un seul changement d’intention de gestion concernant des actifs financiers ou la disparition temporaire d’un marché d’actifs financiers particulier ne constitue pas un changement du modèle économique (IFRS 9.B4.4.3)
  • Exposition aux risques : le contexte actuel rend les analyses plus sensibles. Il est rappelé l’importance de fournir une analyse qualitative et quantitative détaillée des risques financiers et d’indiquer la manière dont ils sont gérés. Tous les risques sont concernés : le risque de taux, de liquidité, de crédit, de change et de matières premières, ainsi que les analyses de sensibilité correspondantes. L’autorité liste des exemples d’informations attendues pour chaque risque.
  • Pertes de crédit attendues : en particulier pour les sociétés du secteur financier, il convient d’expliquer la manière dont les impacts des changements macroéconomiques ont été pris en compte et de développer les informations qualitatives et quantitatives à fournir.
  • Comptabilité de couverture : en cas de disparition d’une transaction hautement probable faisant l’objet d’une couverture de flux de trésorerie, les conditions d’éligibilité à la comptabilité de couverture ne sont plus remplies. Le sort des montants accumulés en réserve de couverture sera différent si la transaction couverte cesse d’être hautement probable mais reste malgré tout probable (maintien du montant accumulé dans la réserve de couverture) ou si la transaction prévue n’est plus probable (reclassement de la réserve de couverture en résultat). L’AMF rappelle que les dispositions prévues par IAS 39 et IFRS 9 en cas de déqualification de la relation de couverture sont identiques et recommande, le cas échéant, de présenter les informations relatives à toute déqualification (disparition de la transaction, impacts).