Retour aux actualités
Maitrise des risques et compliance, Lettre d'Actualités Techniques

Procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte : parution du décret d’application

Paru le 3 octobre 2022, le décret 2022-1284 d’application de la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte a pour objet de fixer les modalités relatives à la mise en œuvre des dispositifs d’alerte au sein des organisations et autorités concernées : points d’attention sur les principaux apports de ce texte.

Contexte : le lanceur d’alerte introduit par la loi « Sapin 2 »

Véritable pierre angulaire de la compliance française, la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique dite « loi Sapin 2 » impose la mise en place d’un dispositif spécifique anticorruption aux entreprises comptant au moins 500 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros. Elle prévoit également, pour toute personne morale de droit privé ou de droit public de plus de 50 employés, une procédure d’alerte interne visant à recevoir des signalements (au-delà des faits relatifs à la corruption ou au trafic d’influence)1.

Ce nouveau décret répond aux incertitudes qui demeuraient en matière de procédures internes de recueil et de traitement des signalements, et précise la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022.

Des précisions relatives aux procédures de recueil et de traitement des signalements internes 

La procédure de recueil et de signalement interne est adoptée « après consultation des instances de dialogue social » et se doit d’être claire, accessible, et communiquée par « tout moyen assurant une publicité suffisante » à la fois pour les collaborateurs internes mais aussi pour les collaborateurs externes qui ne font pas partie des effectifs de l’organisation.

Le décret fixe les modalités de cette procédure avec notamment :

  • l’établissement d’un canal de réception des signalements par écrit ou par oral. Si la procédure prévoit la possibilité d’adresser un signalement par oral, elle doit néanmoins préciser que le signalement peut s’effectuer par téléphone ou « par tout autre système de messagerie vocale » ainsi que, à la demande de l’auteur de l’alerte, lors d’une visioconférence ou d’une rencontre physique organisée au plus tard 20 jours ouvrés après réception de la demande ;
  • la désignation dans la procédure de la ou des personnes compétentes pour recueillir et traiter les signalements en interne. L’article 5 du décret oblige les personnes ou services désignés à disposer , « par leur positionnement ou leur statut, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de leurs missions ». La procédure doit prévoir « les garanties permettant l’exercice impartial de ces missions » ;
  • l’obligation d’accuser réception du signalement dans un délai de 7 jours ouvrés, ainsi que la mise en place d’un délai de traitement « raisonnable » n’excédant pas trois mois à compter de la réception de l’alerte. Cette échéance ne porte pas sur le traitement effectif du signalement mais plutôt sur le délai pour indiquer les suites qui seront données au signalement. L’entité peut, sauf si le signalement est anonyme, demander tout complément d’information à l’auteur du signalement afin d’évaluer l’exactitude des allégations formulées ;
  • des modalités de clôture des signalements inexacts ou infondés avec une communication par écrit précisant les raisons de l’irrecevabilité du signalement auprès de l’auteur de l’alerte.

Des précisions sur le périmètre d’application de la loi et les entités concernées

Dans sa notice, le décret rappelle que les personnes morales de droit privé employant au moins 50 salariés doivent mettre en place une procédure de recueil et de traitement des signalements. Le décret précise que leur nombre s’apprécie à la clôture de deux exercices consécutifs. Il liste également les personnes morales de droit public concernées.

La loi du 21 mars 2022 offrait aux lanceurs d’alerte la possibilité de procéder à un signalement externe sans avoir eu recours à un signalement interne préalable. Dans son article 3, le décret mentionne les autorités chargées de recueillir de tels signalements selon une procédure qu’elles établissent (par exemple la DGT pour les relations de travail, l’AFA pour les atteintes à la probité ou encore la DGCCRF pour les pratiques anticoncurrentielles). Toutefois, l’auteur du signalement devra préciser à l’autorité externe s’il l’a ou non transmis avant par la voie interne.

Un éclaircissement apporté en matière d’intégrité et de confidentialité des informations

Si le décret d’application de la loi Sapin 2 de 2017 avait d’ores et déjà renforcé la confidentialité qui entoure un signalement et étendu l’irresponsabilité des lanceurs d’alerte, le décret précise formellement que cette garantie ayant trait à « l’intégrité et la confidentialité des informations recueillies dans un signalement » doit être également déployée à « tout tiers qui y est mentionné ».

Dès lors, le texte prévoit, d’une part, que les informations recueillies ne peuvent pas être communiquées à des tiers (sauf si cette communication est nécessaire pour traiter le signalement) et, d’autre part, que les entités assujetties doivent veiller à ce que les membres du personnel non autorisés ne puissent pas accéder aux informations relatives aux signalements.

Enfin, tout signalement effectué oralement doit être consigné et ne doit être conservé « que le temps strictement nécessaire et proportionné au traitement du signalement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’il vise et des tiers qu’il mentionne » (principe de proportionnalité du RGPD).

Pour conclure

Ce texte s’inscrit dans un objectif de clarification et d’accompagnement des entreprises. Les entités assujetties devront amender leur procédure d’alerte interne. Cet exercice de réécriture pourra notamment être l’occasion de procéder à une revue critique et à un renforcement du dispositif existant.

1 Sur ce point, voir l’article dans la Lettre d’actualités techniques n° 46, rubrique actualité juridique : « La protection des lanceurs d’alerte renforcée »