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Audit légal et contractuel, Lettre d'Actualités Techniques

Prestation en dehors de la certification des comptes : attention au risque d’autorévision !

Depuis la loi PACTE, des services auparavant interdits aux commissaires aux comptes d’entités non EIP sont désormais réalisables sous conditions. Pour autant, tout n’est pas permis ! Voici deux illustrations sur ce qui est possible… ou non.

Rappel des principes déontologiques

Avant d’accepter une offre de service, le commissaire aux comptes se doit de faire une analyse des risques de perte d’indépendance ou d’autorévision et d’éviter tout conflit d’intérêts. En présence d’une situation à risque, il doit prendre des mesures de sauvegarde afin que son indépendance ne soit pas remise en cause.

Etablissement de la liasse fiscale

Au profit de l’entité dont il certifie les comptes

En raison de l’interconnexion entre la comptabilité et la fiscalité pour les comptes sociaux, l’arrêté des comptes et l’établissement de la liasse fiscale (dont la détermination du résultat fiscal) sont très liés. Dans ces conditions, le risque d’autorévision est fort. De plus, si la déclaration fiscale est signée par le commissaire aux comptes (en qualité de mandataire de la société), l’apparence d’indépendance est mise à mal, et surtout, ce fait génèrerait un risque de conflit d’intérêts lors d’un contrôle fiscal. Aussi, selon la commission de la CNCC1, des mesures de sauvegarde seraient insuffisantes pour réduire le risque d’autorévision de telle sorte que le commissaire aux comptes de l’entité non-EIP ne peut accepter cette prestation.

Au profit d’une entité contrôlée par la société dont il certifie les comptes

Si les risques d’autorévision ne peuvent être écartés pour les raisons énoncées ci-dessus, il est possible d’accepter de réaliser cette prestation après analyse des faits et circonstances et mise en place de mesures de sauvegarde. En l’espèce, le commissaire aux comptes s’attachera à savoir s’il existe une intégration fiscale et quelle est la tête de groupe ou encore une présentation de comptes consolidés audités par le commissaire aux comptes ; il s’enquerra de la place de la société dans le groupe et le volume d’honoraires prévu pour cette prestation. En fonction des réponses à ces questions, il pourrait accepter cette prestation, le cas échéant, avec la mise en place de mesures de sauvegarde (par exemple, nomination d’une personne autre que l’équipe d’audit pour la réalisation de la prestation, appel à un membre du réseau).

Elaboration d’une communication financière

Au profit de l’entité dont il certifie les comptes

Ici, la nature de l’information ou de la communication financière à élaborer revêt toute son importance. Aussi, la CNCC2 opère une distinction selon son contenu.

Si l’information à fournir découle de données comptables issues des comptes soumis à la certification par le commissaire aux comptes ou du moins pourrait contribuer à influencer les comptes soumis à la certification, le commissaire aux comptes est alors en situation d’autorévision de telle sorte qu’il ne peut accepter la réalisation de cette prestation.

Dans le cas contraire, il doit s’assurer que son indépendance ne soit pas remise en cause par l’information ou la communication financière à fournir. Plus particulièrement, il appréciera le risque de conflit d’intérêts en prenant en considération le destinataire de cette information et l’usage qu’il compte en faire. S’il a identifié un risque, il doit analyser la situation et prendre les mesures de sauvegarde nécessaires (par exemple faire intervenir un membre du réseau). Dans tous les cas, le commissaire aux comptes doit documenter son analyse dans son dossier de travail.

Au profit d’une entité contrôlée par la société dont il certifie les comptes

La même analyse doit être retenue lorsque la prestation est réalisée pour le compte d’une entité contrôlée par la société dont le commissaire aux comptes certifie les comptes. Aussi, si l’information ou la communication financière à fournir est incluse dans des documents soumis à sa vérification dans le cadre de sa mission de certification (par exemple, dans le cadre d’établissement de comptes consolidés où est incluse dans le périmètre l’entité contrôlée), le commissaire ne devrait pas accepter cette prestation.

Lorsque l’information ou la communication financière n’est pas un élément des comptes soumis à la certification des comptes ou ne porte pas sur des documents qu’il est amené à revoir dans le cadre de sa mission, il devra analyser le risque de perte d’indépendance (dont le risque de conflit d’intérêts) et prendre les mesures de sauvegarde nécessaires lorsqu’un risque a été identifié.

Au profit d’une autre entité sœur dont il ne détient pas de mandat au sein d’un groupe

Même si cette problématique n’a pas été abordée par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, nous soulignons l’importance d’effectuer une analyse des risques et de la documenter dans son dossier de travail, en tenant compte de la notion de groupe, de la place de l’entité en cause et le volume d’honoraires pour la prestation sollicitée.

Pour conclure

La lecture du rapport 2021 du H3C sur les résultats des contrôles révèle des lacunes en matière d’analyse de l’indépendance, alors que la loi Pacte a ouvert le champ des possibles pour la réalisation de certaines prestations par le commissaire aux comptes d’une entité non EIP en dehors de la mission de certification des comptes. C’est pourquoi, le H3C devrait prochainement publier deux normes qui auront vocation à aider les commissaires aux comptes dans leur décision d’acceptation pour ce type de prestations.

1 CNCC, CEP 2019-13, septembre 2022

2 CNCC, CEO 2019-04/07, septembre 2022.